Les Chroniques d'Elysia

Ready for This

Sun Adda

La matinée commençait à s'étirer lentement, il ne devait pas être plus de dix heures quand la duchesse était finalement sortie de sa pièce de couture, une nouvelle chemise à la main. La blonde avait passé presque toute la nuit à coudre pour son premier fils. L'insomnie l'avait frappée et puisque la place de son cher époux était encore vide, elle s'était levée, enveloppée de sa robe de chambre pour aller s'occuper les mains. Ça lui avait fait beaucoup de bien. Sa toux se faisait entendre parfois mais en ce moment, son état de santé était plutôt correct. La future trentenaire fit un crochet par sa chambre pour s'habiller un minimum tout de même. Elle enfila une robe bleu nuit légère et elle prit le temps de se coiffer d'une tresse rapide.

Un peu de maquillage, quelques bijoux et elle était prête pour déambuler dans les couloirs de sa demeure à la recherche de son premier-né. Alix était sur le point de partir de sa chambre quand un serviteur l'interrompit pour lui donner son thé habituel ainsi que sa collation matinale. Ah bah... La duchesse mangea tranquillement sa tartine, elle termina sa tasse avant d'enfin partir à la recherche de son grand Soleil. Quand même ! Bon, elle esquiva quelques serviteurs pour être certaine d'arriver à bon port sans être plus embêtée et elle sortit dans les jardins du duché. Les fleurs étaient magnifiques, ça réchauffait le coeur de la jeune femme. Un oeil par la fenêtre du bureau de son tendre amour et elle en profita pour lui lancer un tournesol, espérant que Yu-Seong comprendrait le message. Mais bon. Elle n'avait pas trop d'espoir de le voir aujourd'hui.

Ah. Elle entendit le bruit des poules et ça la fit sourire, presque glousser en se rappelant quand Alix avait envoyé Olga en tant que fière messagère auprès du duc. Quelle merveilleuse idée quand même ! La blonde se mit à genoux pour caresser le volatile avant de prendre un peu de grain dans un sac non loin de là pour nourrir le gang des poules. Peut-être que Sun pourrait les dresser pour attaquer les petits hommes au bonnet vert et qui cassaient des vases ? Cette pensée la fit sourire encore et elle finit par trouver la haute stature de son cher bébé. Par la déesse, qu'il était beau et si fort. Un vrai guerrier ! Avec un coeur en or, attention. Elle serra la chemise neuve dans ses doigts fins pour admirer encore un peu son fils. Finalement, elle eut une quinte de toux qui la dévoila. « Bonjour mon chéri. Je vois que les poules sont en grandes formes. Tu mérites un câlin pour te féliciter ! Et j'ai un cadeau pour mon grand fils adoré. » Elle tendit les bras pour attendre que le colosse vienne. Et il viendrait. C'était le fils à sa maman après tout.

Lun 4 Mar 2024 - 6:03

A la vue de la Duchesse, les poules redressent naturellement la tête.

La plupart d’entre elles s’approchent en remuant les ailes, bien que la plus fière soit Olga. Agitant sa tête cotonneuse, elle s’approche d’un pas digne pour observer de son œil noir, la femme qui a osé poser ses mains sur sa robe de plumes sombres ! Les quelques graines données, suffiront pour excuses : Olga, magnanime, pardonne l’offense et accepte même une caresse le long de son dos.
Sun est un peu plus loin. Elle l’entend, avant de le voir.

C’est sa hache qui s’abat, vigoureusement, sur le bois. Une activité, qui n’a rien de Noble. Qui exaspérerait, choquerait, dérangerait… Mais nécessaire, pour le jeune homme. Sun a toujours eu de l’énergie à revendre.

Vif et vigoureux, il s’agitait toujours dans son berceau, trouvant son bonheur par terre, lorsqu’il pouvait étendre ses bras, ses jambes, se tortiller, jusqu’à basculer à 4 pattes. Et alors, partir à vive allure dans les couloirs ! En grandissant, l’on aurait pu croire qu’il apprendrait à se maîtriser, mais il n’y parvenait pas. Alix se souvenait probablement de ses poings serrés, de ses muscles contractés, de tous ses efforts qu’il faisait pour rester sage à ses côtés. Jusqu’à la regarder, une vraie souffrance, dans le regard, « maman, je peux aller courir ? ». Sa mère, avec le temps, avait trouvé des astuces pour le canaliser : porter ses affaires, les jouets de son frère et ses sœurs, courir chercher la servante, jouer, tout simplement.

Les pires supplices furent avec ses précepteurs. Dès le premier jour, l’enfant fut incapable de tenir assis plus de quelques heures : il finit par sortir de la salle en courant, traversa la cour, se précipita dans les jupes de sa mère. Sun faisait des efforts, et s’effondrait de voir qu’il n’y arrivait pas. En pleurs, il frottait sa bouille contre les mains de sa mère, lui demandant « comment faire, pour rester sage ? ». Un jour, un précepteur avait proposé, par jeu, d’attacher l’enfant à sa chaise – Sun l’avait pris très au sérieux et sa mère dut un jour le libérer des cordes qu’il avait nouées autour de ses jambes.

Heureusement, la Duchesse avait trouvé une solution : des récréations. Car si Yu-Seong pouvait rester des heures assis, Sun était contraint d’aller se défouler.

Il se calmera en vieillissant, assurait paisiblement une servante.

Calmer, n’était pas le bon mot. Au fur et à mesure des années, Sun n’avait rien perdu de son endurance ; et avait gagné en force. Son corps charnu, ses bonnes joues rondes et son petit bedon, laissèrent place à une musculature particulièrement épaisse, sur une charpente osseuse solide. Son corps était travaillé, d’une façon harmonieuse : il n’y avait pas de muscles taillés à la serpe, non, ses épaules solides présentaient d’agréables courbes, son ventre légèrement rebondi, était en réalité protégé d’une ceinture abdominale épaisse et développée. Sun veillait à entretenir sa puissance, qu’il trouvait galvanisante.

Ses doigts perdirent en finesse et en délicatesse. Il ne parvenait plus à coudre ou broder, comme sa mère lui avait appris à faire. Fermer ses boutons pouvait être compliqué, le jeune homme ne percevant plus les fins boutons sous ses gros doigts épais. Il fut nécessaire de travailler la maîtrise de sa force : sa mère lui avait proposé de tenir des œufs pour les lui apporter. Après des mois d’exercice, Sun parvint à réguler la force qu’il appliquait dans sa poigne. C’est grâce à elle, qu’il avait à présent son élevage ! La conscience de son corps était encore à travailler.

Les nombreuses tâches quotidiennes auxquelles il se pliait, l’aidaient à s’entretenir physiquement, à mieux se percevoir. Il restait pataud et maladroit, il fallait dire que sa corpulence hors du commun ne l’aidait pas à se sentir à l’aise dans les couloirs étroits. Mais il progressait et ne bousculait plus tellement sa mère lorsqu’ils marchaient ensemble…

Sun ne l’a pas remarquée.

Ses très longs cheveux épais, disciplinés en queue de cheval, s’échappent en mèches farouches devant son regard concentré. Il porte un pantalon en bure brune, sa tenue de travail, une chemise d’un blanc cassé, dont il a retroussé les manches jusqu’aux coudes. Entre ses mains, le manche de la hache paraît presque petit, alors qu’il l’élève au-dessus de sa tête. Le geste est suffisant pour faire rouler élégamment les muscles épais de son dos. Son torse se gonfle d’air. Architecture complexe et harmonieuse, de toutes ses fibres soigneusement agencées, de l’effort qui les fait gonfler, des tendons qui s’étirent. Son vêtement s’étire tant bien que mal pour suivre le mouvement. D’un coup précis, puissant, qui fend la buche en deux, la hache s’est abattue au même instant qu’il expire. Un son rauque et grave, grondement, presque animal.

C’est lorsqu’il travaille, que Sun réfléchit.

Alix le sait probablement, lorsqu’elle le voit replacer une nouvelle buche sur son billot, se saisir de sa hache qu’il fait un instant tourner entre ses doigts. Sun est concentré, dans l’instant, mais le sérieux de son visage, trahit qu’il s’est un instant perdu dans ses pensées. A ses côtés, se trouve déjà un petit monticule de bois coupé, qui leur servira probablement à alimenter la cheminée.
La quinte de toux lui fait lever les yeux et chercher quelques secondes du regard…

Jusqu’à la voir.

_ Maman !

Les yeux bruns, deviennent d’or. Le sourire qui étire ses lèvres, rayonne. La hache plantée dans le bois, la distance qui les sépare, avalée en deux grands pas, ses bras s’ouvrent, se referment sur sa taille si fine, pour la serrer contre lui. Et n’aimant pas, être plus grand qu’elle, il se courbe pour réfugier son nez contre son cou, pour s’imprégner de son odeur si douce, tout sourire, il la garde précieusement contre son torse épais quelques secondes. Il a le corps brûlant, réchauffé par l’effort physique et le soleil qui inonde la cour, contrairement à toute sa famille, Sun paraît tanné de peau.

Elle sent probablement son odeur familière, une odeur légèrement épicée, qui rappelle le thé noir à l’orange.

Il pourrait la soulever, si elle le désirait, s’il le voulait, il l’a déjà fait, l’a déjà fait même tourner au dessus de sa tête ! Mais il a l’envie de sa tendresse, de sentir sa main dans ses cheveux, de ce petit moment tranquille qui relâche la tension de ses épaules. Il se sent presque fondre dans ses bras et s’en retire à contrecœur, bien que ses mains effleurent encore ses bras pour faire durer un court instant l’étreinte.

_ Elles vont bien hein ? J’ai refait leur enclos, il avait été abîmé par le vent !

Ou par le passage d’une Wyvern il y a de cela quelques temps, mais cela, Sun n’y pense pas…

_ Un cadeau ? Pour moi ?!

Les yeux brillants, Sun remarque seulement alors la chemise qu’elle tient entre ses doigts… Mais poli, il attend sagement qu’elle la lui tende pour s’en saisir et aussitôt, la lever à hauteur de ses yeux, la dépliant pour la contempler sous les rayons du soleil.

_ Oh merci ! Merci beaucoup ! Ca me fait très plaisir !

Il se penche pour embrasser sa joue, puis sans plus de cérémonie, retire son haut pour le bloquer entre ses cuisses.

Elle connaît probablement son corps par cœur. Bien qu’aujourd’hui, son torse soit celui d’un homme et non plus celui d’un bambin. Chaque épaule peut accueillir le séant de son serviteur, ses pectoraux développés amusent parfois Pao-Lin qui considère qu’il a « plus de poitrine qu’elle », ses muscles obliques externes lui offrent une taille large et un ventre trompeur… Bien que gourmand et ayant probablement du poids en superflus, cette graisse est nécessaire pour protéger et nourrir les muscles du jeune homme. Il ne reste plus signe de la cicatrice qu’il a reçue en protégeant sa sœur de son enlèvement : qu’une trace blanche, que seul un œil attentif peut percevoir.

Lorsqu’il glisse sa tête par l’ouverture, il veille d’abord à faire passer sa chevelure, puis sa tête et s’ébroue, avant de glisser ses bras dans le vêtement. Tout sourire, impatient, il tire sur le bas de la chemise pour la glisser dans son pantalon. Puis, fièrement, pose ses poings sur ses hanches en prenant une pose héroïque pour sa mère.

_ Ca me va bien ? Tu me trouves beau ? Merci encore d’avoir pensé à moi !

Il se réjouit, tournant sur lui-même, bien qu’en lui faisant dos, il se retourne à demi.

_ Tu n’as pas bien dormi, maman ?

Aussi crédule soit-il, aussi naïf puisse-t-il être, il n’en reste pas moins, attentif. D’ailleurs, il lui fait face et, inquiet, pose tendrement une main sur son épaule en penchant la tête sur le côté.

_ Tu peux me parler de ce qui ne va pas. Je suis là pour toi, tu sais ? Toujours.

Mer 13 Mar 2024 - 4:38

Ready for This

Sun Adda

Le soleil si haut dans le ciel inondait de ses doux rayons la magnifique demeure des Adda depuis quelques heures déjà et malgré le manque de sommeil, la duchesse semblait d'attaque pour commencer une journée qui s'annonçait fort monotone. Elle serrait dans ses doigts fins le tissu qui venait d'être préparé pour son aîné avec amour. Et aussi pour ne pas forcer son cher et tendre époux à sortir de son bureau en pleine nuit. En parlant de bureau... La future quarantenaire jeta un oeil vers la fenêtre en question avant de légèrement soupirer. Parfois, c'était pesant, lourd à porter pour ses frêles épaules mais son amour pour cet homme était bien plus fort et... Lorsqu'elle regardait ses enfants, elle voyait la perfection incarnée qu'ensemble, ils avaient créés. Alors, elle prit son temps lorsque son regard se porta sur son aîné qui s'occupait avec application à couper du bois.

Qu'il était fort et grand. Dire que ce fut un petit être sorti de son ventre après neuf mois de gestation. Un sourire totalement admiratif prit naissance sur les lèvres colorées de la blonde alors qu'elle admirait son incroyable garçon. Alix aimait ses quatre enfants plus que de raison mais elle avait une relation particulière avec Sun. C'était son bébé, celui dont elle était le plus proche. À son désespoir parfois, lorsque Pao-Lin la fuyait pour la repoussait. Cette pensée la fit soupirer. Soupir qui se termina par une toux. Ah. Elle inspira fortement pour tenter de se calmer, la main sur le buste en quête d'air. Foutue maladie.

Mais tout ça, tout partit en fumée quand elle vit le sourire de son grand et qu'il galopait presque jusqu'à elle pour la serrer dans ses bras comme elle aimait tant. Elle passa ses doigts fins dans l'épaisse chevelure de Sun pour lui rendre son câlin avec une infinie douceur. L'héritier n'avait clairement pas hérité de la douceur de sa mère et elle ne savait pas d'où venait toute cette force... Peut-être de son père avant la tentative de meurtre. « Le vent d'une certaine wyverne sans doute, oui. » Elle eut un petit gloussement avant de donner la chemise à son fils qui semblait toujours si heureux de recevoir le moindre cadeau de sa maman.

La femme ne pouvait s'empêcher de le couver d'un amour doux et protecteur même si bon, objectivement, c'était plutôt Sun qui était à même de la protéger, elle. Bref. Elle sourit encore plus au baiser. Ah... Ça, elle adorait vraiment. La duchesse attrapa la chemise sale de son fils qu'elle donna à une servante qui passait par là, histoire de ne pas laisser tout traîner par terre. Ah qu'il était beau, son cher fils. Jamais elle ne trouverait de femme à la hauteur de son petit... Elles seraient toutes inférieures. Quel dommage... « Tu es magnifique, mon chéri. Encore plus beau qu'hier et moins que demain. »

Elle gloussa un peu avant de soupirer. Ah, ça se voyait tant que ça finalement. Elle toucha légèrement ses cernes pour ne pas retirer son maquillage avant de hausser les épaules. Alix frotta un peu sa joue contre la grande et large main de son fils. Elle finit par se redresser, un peu de dignité. « J'ai eu une insomnie, rien d'important. Je m'inquiète un peu pour ton père. » Un peu. Le mot était franchement faible mais bon. Elle caressa la douce chevelure en vrac de son enfant avant d'aller s'asseoir sur un muret de pierre non loin de là.

« Alors, dis-moi, as-tu parlé à ton père de tes projets secrets ? J'ai hâte de savoir ce que tu nous réserves. » Elle ne prit même pas la peine de tapoter la pierre pour que son fils ne la rejoigne, après tout, il était si énergique qu'elle ne voulait pas lui infliger ça. C'était comme forcer un lion en cage. Et puis, Sun était bien trop beau pour être enchaîné. Il était parfait, son fils. Incroyablement parfait. Ah par la déesse, elle l'aimait tant. Dire qu'il allait vraiment falloir lui trouver une femme... Qui entacherait sa perfection...

Jeu 14 Mar 2024 - 10:54

Sentir sa main si fine dans son épaisse chevelure pourrait suffire à ce que Sun tombe à genoux à ses pieds… Pour le bonheur de sentir son étreinte protectrice l’entourer.

S’il y a un seul désavantage au fait d’être si grand, d’être si, massif, c’est que se pelotonner contre sa maman n’est plus aussi facile. Ce n’est pas grave ! Il fait différemment : en l’enveloppant tendrement, pour la garder précieusement contre lui, la sentir toute contre lui. Sa douceur, l’invite à faire preuve d’autant de délicatesse. Ses larges mains aux doigts épais saisissent sans serrer, effleurent pour caresser. Le gloussement de sa mère le fait rire à son tour. Les yeux brillants de malice, il se détache pour la couver du regard, ses mains venant saisir un court instant les siennes, comme pour faire durer l’étreinte.

Sa mère est magnifique. Sa longue chevelure blonde, soigneusement coiffée, telle une rigole d’or dans laquelle leur père apprécie glisser ses doigts : lui y voit, un rideau d’or. Au crépuscule, quand, enfant, il jouait à même le sol et qu’il levait les yeux pour la contempler, voyant le soleil, passer au travers de ses cheveux soigneusement coiffés.

Le compliment de sa mère le prend de court, et le voilà qui rougit dans un grand sourire, grattant timidement sa joue de l’index.

_ Merci, maman… Toi aussi, tu es magnifique.

Qu’il assure, avant de la dévisager avec attention. Lorsqu’elle frotte sa joue contre sa main, il la dépose plus franchement, caresse l’angle doux de sa mâchoire du pouce. Il réalise avec une certaine surprise, que sa main fait presque la taille de sa tête et préfère doucement la relâcher.

_ C’est important.

Répond-t-il avec sérieux, sans la lâcher du regard.

Sun ne ressent que très rarement de la colère. Mais ces petites choses, sont de petites étincelles. Elles voltigent, au travers de ses prunelles, rapidement éteintes, d’un battement de paupières. Pour autant, il commence à sentir leurs morsures, au fond de ses viscères.

C’est important. Et si leur Père, n’accorde pas d’attention à l’état de santé de leur Mère, Sun lui, ne peut pas fermer les paupières. Quand comprendra-t-il, qu’il la néglige ? Qu’il laisse de côté ses enfants, Sun peut l’entendre. Mais sa femme ? Celle qu’il vante sans cesse, à qui il dit, dédier sa vie ? Pourquoi la laisse-t-il, souffrir ?

Lorsqu’il voit ses cernes, Sun sent une tension nouvelle, naître au sein de ses mâchoires. Car il sait, que sa mère serait prête à tout sacrifier pour lui : peut-être le duché, sûrement même, sa propre vie. Qu’il y a-t-il de plus important qu’Elle ? Pourquoi Papa, ne tient pas ses promesses ?

Sa mère s’assoit. Sun se place face à elle, un genou à terre, repose une de ses larges mains sur précieusement recueillir les siennes : ses yeux bruns, se lèvent vers les siens. Et à la caresse dans ses cheveux, sa tête suit doucement le geste en fermant à demi les yeux.

_ Qu’est-ce qui t’inquiète ?

Il demande, caressant ses mains de son pouce.

Est-ce que l’état de leur Père s’est aggravé ? Quelles épées de Damoclès trônent au-dessus de leurs têtes ? Sombres présages, mauvaises nouvelles, rien qui ne saura le faire faillir, rien qui ne saura, le faire faiblir. Les inquiétudes glissent sur lui sans jamais l’éroder.

Car les problèmes infondés, Sun a décidé de ne pas s’y arrêter : pour mieux se confronter, aux vrais obstacles qui viennent le défier. Il ne veut pas gaspiller son énergie, à penser à des issues qu’il ne peut pas prévoir, auxquelles il ne peut rien changer, son père, au lieu de s’en faire pour ses chimères, devrait plutôt s’inquiéter des cernes qui bordent les paupières de sa mère…

Et voilà, qu’on souffle un peu sur les braises, que Sun s’étonne de sentir la chaleur monter dans son torse, ne pression qu’il relâche en s’efforçant de détendre ses muscles. Un peu inquiet, de sentir la montée, de cette émotion inhabituelle.

_ Je ne lui en ai pas encore parlé…

Sun baisse les yeux et détourne songeusement le regard.

_ Mais promis, je le ferai dès que je le revois et dès qu’il est disponible ! J’espère que mes idées lui plairont ! J’ai même fait un schéma pour lui montrer comment ça fonctionne, l’imprime-livres !

Schéma qu’il sort victorieusement de sa poche pour le tendre à sa mère.

_ Je voulais le présenter au concours d’invention… !

Les concours… Sun en fait souvent. Pour ses poules, ses loisirs, lui-même. La reconnaissance de sa mère est beaucoup, mais ces occasions sociales le permettent d’avoir un retour d’autres pairs, une façon peut-être, de se valider, en l’absence de son père.
_ Le prototype dans ma chambre fonctionne plutôt bien… ! Enfin euh. Si on ne compte pas les tâches d’encre…

Il pouffe en montrant ses mains souillées dans un sourire penaud. Le papier entre ses mains, se tord légèrement alors qu’il finit par sourire, rayonnant.

_ Merci, maman… Ca me fait plaisir de t’en parler… Et que tu me soutiennes toujours ! Ca compte beaucoup pour moi !

C’est ce qui l’a rendu, si fort. Il en est persuadé.

D’avoir toujours sa mère, à ses côtés.

Jeu 28 Mar 2024 - 4:21

Ready for This

Sun Adda

Ah ce petit homme... Alix se rappelait encore de la joie immense quand elle avait vu pour la première fois ses petits yeux si doux malgré la douleur de l'accouchement. Puis, le voir grandir jour après jour, devenir le fort et fier héritier qu'elle connaissait maintenant. Pourtant, jamais elle ne s'était lassée de le prendre dans ses bras, de coiffer sa crinière ou de lui faire des cadeaux. Il était un soleil, il ressemblait parfaitement à ce frère défunt qui lui manquait tellement. La duchesse ne pouvait s'empêcher chaque jour, de noter les différences avec la veille, de voir ce qui avait changé en une nuit sur le deuxième homme de sa vie. Et qu'elle était fière de lui, de sa force, de sa générosité mais aussi de son esprit. On le prenait pour naïf et simplet mais elle, sa mère, elle savait la vérité. Sun était une personne incroyable en tout point et tant pis si les autres le sous-estimaient. Un jour, ils verraient. Un jour, ils sauraient que ce garçon si bien charpenté avait également un muscle très fonctionnel dans sa boite crânienne.

Et il était si gentil, si prévenant avec la pauvre quarantenaire qu'elle était. Sun était sans doute le plus attentif envers la mère de famille qui pourtant, faisait tout pour cacher certains problèmes qu'elle pouvait ressentir. Comme cette toux qui ne la quittait plus et qui revenait comme une plainte de son corps en demande de repos. Repos que la dame était purement incapable de lui fournir vu qu'elle s'inquiétait toujours, tout le temps pour tout le monde. Assise sur ce muret, les mots de son fils la touchaient toujours. Il ne cessait de lui dire qu'elle était belle, douce, parfaite. Un vrai fils à maman et pour rien au monde, elle ne voudrait changer ça. C'était son havre de paix, comme une récompense qui lui faisait tout oublier. Alors, elle eut un léger soupir avant de chercher les mots appropriés pour répondre à son grand fils tant aimé. Il ne fallait pas trop qu'il s'inquiète et encore moins qu'il en veuille à leur père qui, d'après Alix, faisait tout ce qu'il pouvait.

« Ton père est fatigué et visiblement, il ne semble pas s'en rendre compte. J'aimerais qu'il se repose réellement au moins quelques jours mais tu le connais. » Comme si Yu-Seong allait accepter de rester tranquille plus de deux heures. C'était déjà un miracle quand il sortait de son foutu bureau. Un jour, vraiment, elle allait condamner la porte et le brûler complètement. Surtout si son très cher enfant suivait les mêmes pas que son mari. Hors de question de voir son bébé dépérir à cause d'un foutu domaine malgré toute l'affection qu'elle portait à ce lieu. Mais rapidement, pour changer de sujet, la belle se mit à parler des inventions de son fils et tout de suite, son torse se redressa et elle passa ses mains sur les joues de son enfant pour prendre son visage en coupe. « Mon chéri, je suis certaine que tu feras ce qu'il faut. Ne te mets pas trop la pression, tout va bien se passer avec son père. Tes inventions sont très astucieuses, tu es brillant. Je suis très fière de toi. »

Elle lui sourit avant de le lâcher pour attraper le plan et pour le regarder d'un oeil néophyte. Alix était une femme cultivée et brillante mais elle demeurait une femme. Tout ce qu'elle avait appris, c'était par elle-même. C'était sans doute pour ça qu'elle était intransigeante avec les percepteurs de ses enfants. Elle voulait que tous, ses filles comprises, aient la meilleure chance de développer leur esprit correctement. Elle suivait les lignes du tracé, visiblement très intéressée et curieuse. Son sourire était franc et large malgré la petite ride d'expression entre ses yeux, signe de sa concentration. « Oh mon chéri ! C'est merveilleux ! On s'en fiche des tâches d'encre, il faudra juste peaufiner tout ça et recopier proprement ton schéma pour en faire quelques copies au cas où. Je le ferais, si tu veux. Ça te laissera plus de temps pour t'occuper de ton projet. »

Elle rangea précieusement le papier dans la poche de Sun avant de sortir un mouchoir et de prendre les mains de son fils pour les nettoyer. Ça ne servait strictement à rien mais ça la calmait et ça lui donnait une excuse pour chouchouter son petit devenu bien grand maintenant. Oh par la déesse, que la mère de famille était fière de lui. Il brillait dans tous les domaines, même si elle était la seule à le remarquer, jamais elle ne cesserait de le pousser. Jamais. Il était la perfection incarnée comme tous ses enfants, Pao-Lin comprise. Qu'elle avait de la chance... Ils étaient si parfaits... « Ne me remercie pas. Quelle mère je serais si je ne croyais pas en toi ? Et puis, tu sais comment me rendre fière peu importe ce que tu fais. Tu sais, mes parents n'étaient pas vraiment du genre à me dire que j'étais intelligente ou brillante. Je crois que je ne t'en ai jamais parlé. Mais toi, mon Sun, tu es incroyable. Tu ressembles beaucoup à mon frère et à ton père en même temps. Tu seras un duc incroyable. Je t'aime mon chéri. »

Il le connaît.

Il y a quelques années, Sun aurait hoché la tête. Son père travaillait énormément, son père pensait à eux, son père les aimait. Son père, faisant tant de choses – tant de choses, que Sun n’est en réalité pas vraiment capable d’en citer. Depuis quelques mois, Sun réalise qu’il ne sait pas vraiment pourquoi son père reste ainsi enfermé dans son bureau. Pourquoi il ne se mêle pas à eux. Pourquoi, son père rit si souvent, alors que ses yeux sont parfois, si froids.

Il y a tant de choses qu’il ne sait pas.

Sun va pour entrouvrir les lèvres, quand les mains qui saisissent ses joues le surprennent ; il bat des paupières. Ses joues rondes bien logées au creux de ses paumes, il s’appuie un peu plus pour le plaisir de ce contact, un sourire innocent étirant ses lèvres. Très tactile, il ne dit jamais non à ce qu’on le cajole…

_ Merci, maman…

Il embrasse tendrement la paume de ses doigts, puis se redresse lorsqu’elle le relâche.

_ Ca me ferait plaisir ! Mais je ne veux pas que tu te fatigues, d’accord ? Ce n’est pas pressé, qu’il assure, posant tendrement une main sur l’épaule de sa mère. Il ne refuse jamais son aide : il espère seulement que cela lui change les idées, qu’elle y trouve un peu de réconfort… Pas des inquiétudes supplémentaires.

Lorsqu’elle prend un mouchoir pour nettoyer ses mains, il les lui confie sans hésiter. Ses mains, sont à la dimension du reste de son corps. Grandes, larges, avec une paume très ouverte. Sa peau surprend. Elle n’a pas la délicatesse qu’on attend de la Noblesse.

Rêche, épaisse, la corne couvre même ses articulations par endroits. C’est probablement ses travaux manuels… Et l’usage de la hache. Sun veille pourtant à s’entretenir : il n’y a ni blessures ni égratignures, les ongles sont soigneusement taillés et limés. Il reste assez coquet, à l’image de ses parents, appréciant porter des bijoux ou des bracelets.

Si sa mère prend soin de lui, lui la dévisage en silence. Bien que son sourire se soit légèrement affaibli, c’est avec amour qu’il la contemple. Et malgré ses paroles, une certaine tristesse persiste au fond de ses pupilles.

_ … Ne t’inquiète pas, maman.

Il est sérieux. Presque sombre. Ses sourcils légèrement froncés, sur ses prunelles brunes. Une certaine résignation, dans sa voix, lorsqu’il reprend la parole d’une voix posée.

_ La fatigue finira par le rattraper. Papa s’endormira dans son bureau, ou à table, le jour où il mangera avec nous. Il prendra du repos.

Et une part en lui, s’est comme détachée.

Détachée de ce père, qui inflige à sa mère depuis des années, cette douce torture. Il ne se passe pas un jour, sans qu’elle ne pense à lui. Sans qu’elle ne s’inquiète pour lui. Parce qu’il en fait toujours trop, ou pas assez, parce qu’il n’est jamais vraiment présent pour la rassurer. Parfois, il se demande. Est-ce à cause de lui, qu’elle est souffrante ? Dévorée, par cette angoisse insidieuse et persistante, vicieuse et usante.

Il sait qu’un jour, si leur père perd la vie, leur mère le suivra.

Et cette idée, sème les graines d’une colère qu’il s’interdit de ressentir.

Ce père, cet homme « responsable », assume son Duché, satisfait leur peuple, à quel prix ? Devra-t-il lui aussi faire un choix, entre sa famille et son peuple ? Sun baisse les yeux. Il veut faire mieux… Mais il sait qu’il ne doit pas, se donner cet objectif ; ils sont différents, ils ne règneront pas, de la même manière.

_ Je vais essayer de trouver une solution. Peut-être lui apporter de quoi manger, ou avancer dans mon étude du café ?

Qu’il s’efforce de proposer. Pour soulager le fardeau qui repose sur les épaules de sa mère, pour l’aider à le porter. Pour la soutenir et l’apaiser.

Les compliments de sa mère le font sourire, humblement, il baisse la tête.

_ Merci… Je ferai tout pour l’être. Je ne pense pas que je serais comme Père un jour…

Il a dévié les yeux, hausse lourdement ses épaules.

_ … Je lui ressemble peut-être, mais je me sens… différent de lui.

Ses yeux se plantent dans ceux de sa mère.

_ J’ai toujours été présent pour vous.

Sa phrase s’abat.

Fatidique.

Il a toujours été présent.

Quand Père était aux portes de la mort, que Maman s’oubliait, quand ses frères et sœurs, avaient besoin d’un parent. Quand Alix ne dormait pas, marchant dans les couloirs à la recherche du sommeil ou d’un mari absent – Sun l’appelait, la prenait par la main, l’invitait à dormir dans sa chambre, pour quelques heures difficilement récupérées.

Il n’est pas comme son père.

Dans son enfance, il a souffert d’être différent, d’être si solide, d’être si, actif, d’être incapable, de se concentrer, d’être incapable, de se maîtriser, impulsif, spontané, sincère, d’avoir tant de facilité, à donner sa confiance, son amour, son temps. Jusqu’à accepter, ce qu’il était. Et voir au travers de ces différences, une certaine fierté : celle d’exister, d’être, ce qu’il est. Sun, avant d’être le fils du Duc.

Y’a-t-il de la colère, dans sa voix ?

Alix elle-même, l’a très peu de fois entendue.

Non pas que Sun, s’exprime avec force et véhémence, non. Mais ses rares colères se sont toujours exprimées avec calme et fermeté.

Et s’il en faut beaucoup pour l’énerver, il en faut tout autant pour qu’il parvienne à pardonner.

_ Tu n’as jamais parlé de tes parents…

Qu’il souffle, finalement. Sa voix s’est faite plus douce, ses épaules se sont relâchées. Ses yeux unis à ceux de sa mère, voilà qu’il penche doucement la tête sur le côté.

_ … Ils étaient durs envers toi ?

Qu’il demande simplement.

_ Tu es une femme exceptionnelle. Tu es curieuse, tu apprends vite, tu es très observatrice et empathique envers les gens. Tu trouves toujours des solutions aux problèmes que l’on rencontre. Tu m’as appris, à voir le bon dans les autres et dans les petites choses du quotidien. Tu gères le Duché en l’absence de Père, tu le conseilles pour ses décisions. Tu restes ouverte, à tout, et tu essayes toujours d’en tirer des leçons… Je t’admire beaucoup, tu sais ?... Non pas seulement parce que tu es ma mère…

Qu’il sourie en prenant ses mains dans les siennes.

Ready for This

Sun Adda

Heureusement, Alix ne se rendait pas encore compte que son cher et tendre premier-né était si lucide envers le père de famille. Elle pensait que comme toujours, cette excuse passerait crème et que le garçon se dirait que c'était normal. Yu-Seong était un homme occupé. Avec les années et malgré le cerveau malade de son mari, la duchesse avait appris à faire avec. Enfin, plus ou moins bien. C'était parce qu'elle savait que l'esprit du duc vrillait facilement aussi, que la belle blonde s'inquiétait autant. Ah, la vie était ainsi faite et son mari lui avait tellement apporté qu'elle pouvait bien faire ça pour lui ! Tout de même ! La quarantenaire sourit un peu plus au baiser sur ses doigts. C'était vraiment le fils à sa maman et c'était toujours un bonheur total de l'avoir avec elle. Oh, bien sûr, Alix aimait chacun de ses enfants avec autant de force mais Sun était sans nul doute celui qui le lui rendait le plus, et qui réussissait à apaiser son coeur un peu malmené par tout ça.

« Ne t'inquiète pas. Tu sais que j'aime bien et que ça me détend de faire ça. En plus, comme ça, je ne perds pas ma jolie écriture que tu aimes tant. » Alix lui fit un léger clin d'oeil avant de passer à l'étape totalement inutile du nettoyage des mains calleuses et si fortes de son fils. Elle les admirait au passage. La jeune femme se fichait royalement de cet aspect rugueux. Il n'y avait pas de blessure et ses doigts forts étaient capable de combattre n'importe quel ennemi, de protéger ses frères et soeurs sans la moindre faille. C'était parfait. C'était Sun, c'était tout ce qui comptait. Elle déposa un léger baiser sur l'un de ses doigts avant de lever les yeux vers ceux de son fils, bien loin de se douter de ce qui allait suivre. Ah... Il avait raison. Et ça peinait toujours autant la duchesse. Jamais son homme ne serait donc capable de se rendre compte de sa propre fatigue. Terrible. Elle poussa un léger soupir avant de hausser les épaules. « Je sais, mon chéri. Je sais bien. » Elle détourna le regard pour finalement fixer un point au loin tout en gardant entre ses mains celles de son aîné.

Yu-Seong était déjà si faible. Il devait épargner son corps mais jamais il n'y arrivait. Et jamais Alix ne parvenait à réellement le lui faire comprendre. Son tendre mari si aimé finissait toujours par la rouler dans la farine. C'était vraiment agaçant. Elle reposa finalement le regard sur son fils et elle pressa un peu ses doigts entre ses mains fines et manucurées. « Non, ne t'en fais pas, je m'en occupe. Prends plutôt du temps pour toi, mon fils. Tu le mérites bien. » Hors de question de peser plus que nécessaire sur Sun. Déjà que la duchesse avait conscience de bien trop se reposer sur lui... Il était si jeune, elle ne pouvait décemment pas faire ça. Lors de sa nouvelle remarque, Alix fut sincèrement surprise des mots de son fils. Ah. Oh. Elle cligna plusieurs fois des yeux, franchement étonnée. Et pourtant... Il n'avait pas tord. La mère de famille en avait parfaitement conscience. C'était sans doute ça, le pire. Il avait parfaitement raison.

« Sun. Je sais que tu penses que ton père n'est pas présent, qu'il ne s'occupe pas assez de nous. Mais, tu sais, gérer un domaine comme celui-ci après ton grand-père n'est pas une mince affaire. Il veut te laisser quelque chose de bien pour que tu sois le mieux possible lorsqu'il faudra que tu prennes le titre. Je sais que... Ça peut sembler cruel mais... C'est ainsi. Yu-Seong veut que nous soyons en sécurité et heureux. Il tient énormément à ça. » C'était la vérité mais une vérité qui arrangeait Alix. Parce que ça justifiait tout et que ça l'empêchait de totalement sombrer aussi dans une paranoïa pour tenter de sauver son époux. Et aussi parce qu'elle choisissait de le croire, le duc, de l'aider à sa façon. Que pouvait-elle faire de plus, de toute façon ? Rien. C'était comme ça malheureusement. Elle poussa un léger soupir avant le changement de sujet tout aussi lourd. La jeune femme tapota gentiment la place à côté d'elle.

« Assieds-toi, tu veux. Je vais te parler un peu d'eux. » C'était sans doute le moment après tout. Sun était assez grand et elle savait qu'ils n'étaient plus de ce monde. La quarantenaire attrapa à nouveau la main de son fils avant de chercher ses mots. Elle plaça une mèche rebelle de Sun derrière son oreille avant de reprendre. « Je suis la dernière d'une famille de six enfants. Mes parents n'étaient pas pauvres, tu te doutes bien mais je n'étais pas désirée. J'étais l'enfant de trop, celle qu'on n'avait pas envie d'accueillir, celle qui... Cristallise tous les problèmes de la famille. Je passais mes journées enfermées dans une chambre trop petite et très mal... Meublée. » Ah, comment dire la suite sans faire passer ses parents pour des gens cruels ? Même si objectivement, ils l'étaient. « Je n'avais pas le droit de lire, de parler ou même de sortir. J'étais la honte de la famille. Même mes frères et soeurs me détestaient. Tous sauf mon grand frère dont tu as hérité le nom. C'est lui qui, quand il pouvait, prenait ma défense et m'aidait. »

Elle eut un léger haussement d'épaules. Parler de son passé ne lui plaisait pas. Ce n'était pas pire mais c'était toujours très désagréable. Alors, les compliments soudains de Sun la firent rougir et même verser une petite larme de tendresse totale. Ah qu'il était parfait... Elle l'aimait tellement. « Merci mon chéri... Tu es tellement parfait... Intelligent, altruiste et fort. Moi aussi je t'admire. Je suis vraiment très fière de l'adulte que tu deviens. Et même si les années vont bien trop vite à mon goût, jamais je ne cesserais d'être fière de toi. Ne l'oublie pas, je t'aime et je suis ta plus grande admiratrice. »

Ses yeux ne quittent pas ceux de sa mère.

_ Maman…

Sun cherche ses mots, quelques instants. A sa demande, il s’assoit docilement à côté d’elle.

_ Ce n’est pas envers moi, que c’est cruel.

Il lui adresse une œillade.

_... Et si ça ne tenait qu’à moi… Je ne m’occuperai pas de tout ça. Papa est un adulte. Il est le seul responsable, de sa santé et de ses choix.

Ses poings se serrent.

_ Ce qui m’inquiète, c’est que c’est sur toi que ça a des répercussions. C’est toi que je veux aider.

Sun pose tendrement sa tête contre son épaule. Sa main prend tendrement celle de sa mère dans la sienne. De son pouce, il caresse précieusement ses doigts. Ses yeux se sont clos, derrière ses paupières, défilent les souvenirs, des insomnies de sa mère, des pleurs qu’elle verse, des cernes sous ses yeux. Ses paupières se rouvrent.

_ … Si tu te sacrifiais pour lui, je crois que là… Là, je serais en colère.

Murmure lentement Sun.

Et n’est-ce pas déjà le cas ?

Lorsqu’il sent sa mère replacer une mèche derrière son oreille, il ferme les yeux et esquisse un sourire tendre, se pelotonne un peu contre elle pour l’écouter en silence. Ce qu’annonce sa mère… Ne le laisse pas indifférent. Son poitrail s’est immobilisé. Quelques secondes. Avant de s’emplir lentement d’air. Ses mains se sont fermées en poings.

Les compliments de sa mère, il les entend et lui sourit faiblement, pour la remercier. Mais il détourne la tête pour fuir son regard. Ses mains se reposent sur le muret, d’une pression, il se redresse. Il s’avance de deux pas, lentement. Ses bras ne sont pas branlants ; ses poings serrés, se glissent dans son dos, Sun ouvre les épaules, lève les yeux vers le ciel. Les prunelles tournées vers l’astre solaire, il laisse ses rayons incandescents marquer ses prunelles : referme une nouvelle fois les yeux, pour laisser ses étincelles, brûler, derrière la barrière de chair.

_ Maman…

Sun s’arrête. D’un mouvement, tourne la tête. Et ses yeux bruns, mouchetés d’or, s’unissent aux pupilles de sa mère.

_ Est-ce que tu sais, que ce qu’ils t’ont fait subir, tu ne l’as pas mérité ?

Il demande. Fermement.

D’un pas, il s’approche d’elle. Et sa grande masse, s’incline, se ploie, jusqu’à poser un genou à terre, jusqu’à prendre ses mains dans les siennes.

_ Tu n’avais pas à subir ça. Tu n’as pas demandé à naître. Et tu n’es responsable en rien, de ce qu’ils ont fait. Tu ne méritais pas ça. Tu ne devais pas être traitée comme ça. Ils n’avaient pas le Droit de faire ça.

Il est d’un sérieux implacable. Ses mains conservant précieusement les mains de sa mère dans les siennes, pour les caresser et les serrer un instant contre son cœur.

_ … Et malgré ce qu’ils ont fait, ils ne t’ont pas brisée. Ils ne t’ont pas détruit, toute ta vie. Tu as réussi à te lever, à t’en sortir, à te reconstruire. C’est probablement, la plus belle revanche que tu pouvais leur infliger.

Ses sourcils se sont froncés.

_ … Si un jour… Ils refont leur apparition… Si un jour, tu souhaites les voir, si tu… Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n’es plus seule pour les affronter. Je t’aiderai. Je ne les crains pas.

Assure-t-il.

_ … Tu es précieuse. Tu es importante. Tu as de la valeur.

Ses mâchoires se serrent. La force, dans l’emprise de ses mains, s’accentue et il se contraint à la lâcher, pour fermer les poings.

_ Et j’aimerai que papa te le montre autrement, que par de belles paroles. Qu’il sorte de son bureau. Qu’il accepte de t’écouter. Plus encore, quand l’on voit tout ce que tu as traversé. Je sais qu’il t’aime, je sais qu’il t’a aidée, je sais qu’il fait ça pour le bien du Duché… ! Mais…

Sa voix tremble. Sun se mord la lèvre. Et si grand, il redevient un court instant, petit garçon. Les larmes montent à ses yeux, Sun baisse la tête et ferme avec force les paupières.

_ Je… Je… J’ai juste besoin de savoir…

Il ravale sa salive.

_ Est-ce qu’il te rend heureuse ?... Je ne veux pas… Je ne veux pas qu’il répète l’histoire… Que… Que tu crois que… qu’il peut se permettre, de te mettre de côté, tout ça pour son Duché, je suis là pour l’aider mais toi, toi tu as besoin de lui toi aussi !

Elle plus que lui.

Sa fratrie, plus que lui.

Sun essaye de faire, sans lui.

Les Chroniques d'Elysia

Izar de l'An 1

Les scénarios

[Privé] Ready for This | Sun