Saule C. Murphy
Messages
Age
Coins
L’Arbre Déesse plonge ses racines, au plus profond du monde.
Entre elles, reposent les corps des disparu.es ; leurs chairs, nourrissent la terre. Elles sont les semences, d’un nouveau monde. Bientôt, germeront arbres, se dresseront les branches, sous leur cime, chantent les âmes et les histoires que l’on ne peut plus entendre. Il se laisse bercer par leurs bruissements. Par ces mots qu’ils susurrent, par ces sensations qu’ils éveillent, par cette sérénité qu’ils lui apportent.
Dénués de souffrance, dédiés à une existence, éternelle, auprès de la Déesse, sous leurs branches, ils offrent Son amour, par leurs troncs, Sa protection. Sur sa peau d’une pâleur funeste, s’abandonnent quelques gouttes de rosée. Les larges, épaisses, lourdes, larmes ne glissent pas ; elles restent, dans ses cernes creusées. Miroir d’eau, dans lequel il refuse de se regarder, d’une peine qu’il n’a toujours pas réussi à déverser.
_ Pleures-tu pour moi, mon frère ?
Sa voix n’est qu’un murmure, au sein de ce requiem. Car c’est près de leur tombe, qu’il s’est assis.
Un simple muret aux pierres couvertes de mousse, entoure et isole ce discret lopin de terres. Il n’y a ni tombes, ni ornements, rien d’autres, que les racines de l’Arbre Déesse. A l’abri des regards, sous le couvert d’un hêtre centenaire, aux arbres épaisses et tordues par le temps, peut-être, leur tout premier ancêtre.
Saule, d’un geste lent, précautionneux, retire ses bagues une à une et les dépose à ses côtés. Il retire, avec délicatesse, l’un de ses gants ; saisissant un doigt, pour y exercer une légère pression, puis un autre, jusqu’à saisir pleinement le vêtement, le retirer prudemment. Sa main fine, osseuse, est parcourue de veines ; d’un sang bleu qu’il prend le temps d’observer.
Noblesse, d’une sève maudite, malédiction d’une funeste dynastie, poison d’anciennes traditions. La pureté du sang, jusqu’à pousser à la corruption de la Chair, que la Déesse leur pardonne, leurs quêtes désespérées, leur aveuglement, leur avidité, leur ambition. Car Seule la Déesse, peut s’approcher de la Perfection.
Les essais des Hommes, n’aboutissent qu’en échecs et brouillons, en parodie, illusion, caricature, l’égo de l’Homme le pousse parfois à oublier, qu’il n’est pas possible d’effacer, les erreurs et les différences, qu’à vouloir tout arracher, l’on perd tout. Combien de leur famille, se sont condamnés ? Pour suivre cette voie tracée. Ce chemin qui ne mène, qu’à une seule et même finalité. Celle qui s’étend devant ses yeux.
Futilité, d’une cause qu’il a décidé de ne plus défendre, face à laquelle il a même décidé de s’opposer. Il a demandé audience à l’Impératrice, et peut-être même lui-a-t-elle répondu, il n’a pas encore consulté ses courriers… C’est la chute d’une nouvelle goutte, cette fois directement sur son front, qui l’arrache de ses pensées.
Doucement, sa main se lève. Du bout des doigts, recueille les gouttes d’eau, entre ses doigts, les déloge avec élégance, les laisse ruisseler le long de sa peau. Sa main, prudemment, revient effleurer la pierre humide, froide, aux angles osseux, sur lesquels il appose simplement sa paume. Etrange intimité, de cette mousse qui embrasse son derme. Fragrances musquées, de terre mouillée, odeur douceâtre, de l’humus, aigreurs, d’une lointaine putréfaction, d’une sève qui s’assèche, d’une branche brisée ou d’une écorce fendue.
_ Seigneur ?
La voix, si humaine, le surprend et lui arrache un léger frisson. D’un geste vif, ses yeux se sont tournés, le long de lui, sa main dénudée s’est pudiquement dissimulée. Son autre main s’est seulement refermée sur la poignée de sa canne, représentant la silhouette tortueuse de cet arbre, qu’il appuie sur le sol, comme pour s’apprêter à se redresser.
_ Qu’il y a-t-il ?
Il demande, simplement.
D’une voix posée, froide, autoritaire.
Peu de personnes, peuvent se permettre de le déranger lorsqu’il rend ainsi visite, à celleux qui ont été.
La domestique s’incline bien bas.
_ Seigneur, pardonnez mon intrusion. Votre fils est arrivé. Souhaitez-vous … Que je lui demande d’attendre ?
_ Non. Qu’il vienne. Je vous en remercie.
La domestique s’incline rapidement une nouvelle fois, avant de disparaître d’un pas rapide.
Son fils. Pour lui, pour Jasmine, Saule a décidé, de briser l’histoire. De mettre à bas, ces traditions sempiternelles. De leur offrir la chance, qu’il n’a pas eue. Peut-être que diluer le sang n’a pas été suffisant. Peut-être que malgré ses efforts, il les a souillés. Ce poids, repose sur ses épaules comme une fatalité, qu’il n’a d’autres choix qu’accepter. Le combat qui lui reste, est de faire interdire ces unions maudites, dans tout l’Empire, dans tous les pays.
Il remet son gant, enfile ses bagues, s’accorde un long moment. Il place soigneusement ses pieds au sol, raffermit l’emprise de ses mains sur la poignée de sa canne. Se lever, est toujours un effort. Un risque. Celui de tomber. De briser ses os fragiles, de passer encore des mois et des mois, alités. Cette menace, malgré les années, s’enfonce comme un poignard dans ses entrailles.
Un soupir amusé franchit ses lèvres.
Le vent agite, ses longs, immenses, cheveux blancs. Les deux seules mèches turquoise, qui résistent aux assauts du temps, s’agitent malicieusement, dansent au rythme, de cette mélodie qui gagne, en puissance. Celle de son cœur, aux battements insidieux, qui s’interrompent pour mieux reprendre, douleur lancinante, d’un corps en désuétude. Son souffle, lent, gonfle son maigre poitrail, restreint par le corset qui soutient sa colonne vertébrale. Pression, de ses bras sur cette canne qui ne ploie pas sous son poids : extension, des jambes, silhouette, qui se déplie, équilibre précaire, qu’il s’efforce de trouver avant de bouger. Vertige, d’une tension qui chute pour soudain monter, battement des paupières pour chasser au loin, les papillons noirs, messagers funestes d’une vie toujours en suspend, d’une mort, qui sera donc toujours à ses côtés.
Mais cette fois, une fois de plus, il tient debout.
Car il n’a jamais voulu, que ses enfants le croient faible, le pensent fragiles, s’inquiètent, pour lui. Saule, n’attend ni pitié ni compassion. Il veut, faire la fierté de ses enfants, et celle de toustes celleux qui les ont précédés. Combien même, maudit-il ses racines, sans elles, il n’aurait jamais poussé.
Aussi, quand Narcisse apparaît dans son champ de vision, son père l’attend. Dignement, debout, les mains jointes sur sa canne, pour émotions, un seul sourire s’esquisse et adoucit ses traits, avant que la pudeur ne reprenne le dessus.
_ Bonjour, Narcisse. Comment vas-tu ?
Il détourne les yeux vers l’Arbre Déesse.
_ … Je te remercie d’être venu jusqu’ici. Comment la route s’est-elle déroulée ? As-tu besoin de te sustenter ?
Entre elles, reposent les corps des disparu.es ; leurs chairs, nourrissent la terre. Elles sont les semences, d’un nouveau monde. Bientôt, germeront arbres, se dresseront les branches, sous leur cime, chantent les âmes et les histoires que l’on ne peut plus entendre. Il se laisse bercer par leurs bruissements. Par ces mots qu’ils susurrent, par ces sensations qu’ils éveillent, par cette sérénité qu’ils lui apportent.
Dénués de souffrance, dédiés à une existence, éternelle, auprès de la Déesse, sous leurs branches, ils offrent Son amour, par leurs troncs, Sa protection. Sur sa peau d’une pâleur funeste, s’abandonnent quelques gouttes de rosée. Les larges, épaisses, lourdes, larmes ne glissent pas ; elles restent, dans ses cernes creusées. Miroir d’eau, dans lequel il refuse de se regarder, d’une peine qu’il n’a toujours pas réussi à déverser.
_ Pleures-tu pour moi, mon frère ?
Sa voix n’est qu’un murmure, au sein de ce requiem. Car c’est près de leur tombe, qu’il s’est assis.
Un simple muret aux pierres couvertes de mousse, entoure et isole ce discret lopin de terres. Il n’y a ni tombes, ni ornements, rien d’autres, que les racines de l’Arbre Déesse. A l’abri des regards, sous le couvert d’un hêtre centenaire, aux arbres épaisses et tordues par le temps, peut-être, leur tout premier ancêtre.
Saule, d’un geste lent, précautionneux, retire ses bagues une à une et les dépose à ses côtés. Il retire, avec délicatesse, l’un de ses gants ; saisissant un doigt, pour y exercer une légère pression, puis un autre, jusqu’à saisir pleinement le vêtement, le retirer prudemment. Sa main fine, osseuse, est parcourue de veines ; d’un sang bleu qu’il prend le temps d’observer.
Noblesse, d’une sève maudite, malédiction d’une funeste dynastie, poison d’anciennes traditions. La pureté du sang, jusqu’à pousser à la corruption de la Chair, que la Déesse leur pardonne, leurs quêtes désespérées, leur aveuglement, leur avidité, leur ambition. Car Seule la Déesse, peut s’approcher de la Perfection.
Les essais des Hommes, n’aboutissent qu’en échecs et brouillons, en parodie, illusion, caricature, l’égo de l’Homme le pousse parfois à oublier, qu’il n’est pas possible d’effacer, les erreurs et les différences, qu’à vouloir tout arracher, l’on perd tout. Combien de leur famille, se sont condamnés ? Pour suivre cette voie tracée. Ce chemin qui ne mène, qu’à une seule et même finalité. Celle qui s’étend devant ses yeux.
Futilité, d’une cause qu’il a décidé de ne plus défendre, face à laquelle il a même décidé de s’opposer. Il a demandé audience à l’Impératrice, et peut-être même lui-a-t-elle répondu, il n’a pas encore consulté ses courriers… C’est la chute d’une nouvelle goutte, cette fois directement sur son front, qui l’arrache de ses pensées.
Doucement, sa main se lève. Du bout des doigts, recueille les gouttes d’eau, entre ses doigts, les déloge avec élégance, les laisse ruisseler le long de sa peau. Sa main, prudemment, revient effleurer la pierre humide, froide, aux angles osseux, sur lesquels il appose simplement sa paume. Etrange intimité, de cette mousse qui embrasse son derme. Fragrances musquées, de terre mouillée, odeur douceâtre, de l’humus, aigreurs, d’une lointaine putréfaction, d’une sève qui s’assèche, d’une branche brisée ou d’une écorce fendue.
_ Seigneur ?
La voix, si humaine, le surprend et lui arrache un léger frisson. D’un geste vif, ses yeux se sont tournés, le long de lui, sa main dénudée s’est pudiquement dissimulée. Son autre main s’est seulement refermée sur la poignée de sa canne, représentant la silhouette tortueuse de cet arbre, qu’il appuie sur le sol, comme pour s’apprêter à se redresser.
_ Qu’il y a-t-il ?
Il demande, simplement.
D’une voix posée, froide, autoritaire.
Peu de personnes, peuvent se permettre de le déranger lorsqu’il rend ainsi visite, à celleux qui ont été.
La domestique s’incline bien bas.
_ Seigneur, pardonnez mon intrusion. Votre fils est arrivé. Souhaitez-vous … Que je lui demande d’attendre ?
_ Non. Qu’il vienne. Je vous en remercie.
La domestique s’incline rapidement une nouvelle fois, avant de disparaître d’un pas rapide.
Son fils. Pour lui, pour Jasmine, Saule a décidé, de briser l’histoire. De mettre à bas, ces traditions sempiternelles. De leur offrir la chance, qu’il n’a pas eue. Peut-être que diluer le sang n’a pas été suffisant. Peut-être que malgré ses efforts, il les a souillés. Ce poids, repose sur ses épaules comme une fatalité, qu’il n’a d’autres choix qu’accepter. Le combat qui lui reste, est de faire interdire ces unions maudites, dans tout l’Empire, dans tous les pays.
Il remet son gant, enfile ses bagues, s’accorde un long moment. Il place soigneusement ses pieds au sol, raffermit l’emprise de ses mains sur la poignée de sa canne. Se lever, est toujours un effort. Un risque. Celui de tomber. De briser ses os fragiles, de passer encore des mois et des mois, alités. Cette menace, malgré les années, s’enfonce comme un poignard dans ses entrailles.
Un soupir amusé franchit ses lèvres.
Le vent agite, ses longs, immenses, cheveux blancs. Les deux seules mèches turquoise, qui résistent aux assauts du temps, s’agitent malicieusement, dansent au rythme, de cette mélodie qui gagne, en puissance. Celle de son cœur, aux battements insidieux, qui s’interrompent pour mieux reprendre, douleur lancinante, d’un corps en désuétude. Son souffle, lent, gonfle son maigre poitrail, restreint par le corset qui soutient sa colonne vertébrale. Pression, de ses bras sur cette canne qui ne ploie pas sous son poids : extension, des jambes, silhouette, qui se déplie, équilibre précaire, qu’il s’efforce de trouver avant de bouger. Vertige, d’une tension qui chute pour soudain monter, battement des paupières pour chasser au loin, les papillons noirs, messagers funestes d’une vie toujours en suspend, d’une mort, qui sera donc toujours à ses côtés.
Mais cette fois, une fois de plus, il tient debout.
Car il n’a jamais voulu, que ses enfants le croient faible, le pensent fragiles, s’inquiètent, pour lui. Saule, n’attend ni pitié ni compassion. Il veut, faire la fierté de ses enfants, et celle de toustes celleux qui les ont précédés. Combien même, maudit-il ses racines, sans elles, il n’aurait jamais poussé.
Aussi, quand Narcisse apparaît dans son champ de vision, son père l’attend. Dignement, debout, les mains jointes sur sa canne, pour émotions, un seul sourire s’esquisse et adoucit ses traits, avant que la pudeur ne reprenne le dessus.
_ Bonjour, Narcisse. Comment vas-tu ?
Il détourne les yeux vers l’Arbre Déesse.
_ … Je te remercie d’être venu jusqu’ici. Comment la route s’est-elle déroulée ? As-tu besoin de te sustenter ?
- Empire Nuhoko
- Partenaire : NameNiveau : LV 3 DAGUE (TEC)Citation : Tempus FinisInventaire : Potion +10PvsEXP : 0/0MVT : 4RES : 7DEF : 3MAG : 12ATQ : 8HP : 24Emploi / loisirs : Ducâge du perso : 50 ansMagie ou Emblème : lumièreLocalisation : Duché de MurphyIcone :Messages : 15Gold : 86
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|