L'on dit que la prochaine saison sera pluvieuse.

Les graines dont ils font fait l'acquisition seront-elles suffisantes pour nourrir leur peuple ? Devront-ils envisager d'autres solutions si trop de plants pourrissent, faut-il précéder la nécessité et faire l'achat de plants plus résistants ? Sur son bureau déjà chargé, des livres soigneusement présélectionnés par son serviteur, sont ouverts. Bouts de papier, pour seuls marque-pages.

Dans son bureau, les mains croisées dans le dos, le jeune Héritier regarde par la fenêtre. De là, il voit leur jardin le long des murets, son poulailler, et plus loin encore, la ville qui s'étend. Il finit par séparer ses mains et regarde au sein d'une de ses paumes, où se trouvent quelques graines sombres. Sun les observe avec une certaine curiosité, du bout de l'index, touche l'une d'elles. Il s'agit d'une des nombreuses espèces qu'il a mises de côté, pour les présenter au Duc… Son père accepterait-il ses propositions ? Serait-il fier de son travail ? Plus important encore, est ce que ses recherches pourront aider leur peuple ?

Sun a passé du temps sur ces différents ouvrages, essayant de ne pas tenir compte de son impatience naturelle. Jusqu'à ce que les trépignements de son pied finissent par en faire trembler la table et sa plume avec. Il s'est alors levé, a enchaîné quelques exercices physiques allant de la montée de genoux aux squats, en passant par une série de pompes, jusqu'à fouiller dans les quelques graines qu'il avait achetées.

Il finit par porter l'une d'elle sous sa dent, croque sans plus de cérémonie. Avant de franchement grimacer, tousser et cracher dans son poing, dans un “Buerk” des plus enfantins. Le visage encore froncé par l'aigreur, il va récupérer une cruche pour prendre une gorgée, nettoyer sa bouche… Cherche un crachoir, et malheureusement, c'est sa petite plante de bureau qui reçoit. Essuyant ses lèvres d'un revers de manche, Sun ressent encore l'aigreur du fruit sur ses papilles…

_ C'est quoi ça déjà ?

Il toussote en prenant un papier qui traîne sur son bureau - du bazar organisé.

_ Du café…? A moudre.

Un silence. Ses yeux s'ouvrent grand.

_ Ah ! A moudre !

Comprend-t-il dans un grand sourire. Sans plus de cérémonie, l’Adda dépose sa poignée sur la table. Il récupère un des plus gros livres, le pose sur les graines et, persuadé qu'il s'agit d'une bonne idée “pour ne pas en mettre de partout”, appuie ses paumes sur la couverture et appuie de tout son poids. La table grince sous la pression, manque de se soulever, alors que les graines ne font pas long feu sous sa petite centaine de kilos.

Tout sourire, Sun soulève le livre… Sans faire attention à la tâche qui vient de souiller la couverture, récupère les quelques morceaux déjà bien écrasés, qu'il finit d'écraser au sein de ses paumes couvertes de cornes.

_ Ah ! Maintenant, de l'eau chaude !

Le jeune homme sort joyeusement de son bureau pour s'élancer vers les cuisines. Son pas lourd, familier, suffit à ce que les gardes et les serviteurs s'écartent naturellement sur son passage. Le jeune héritier se présente sur le seuil. Une cuisinière lève le nez. S'attendrit de voir le grand gaillard qui attend docilement, tenant entre ses paumes, sa précieuse création.

_ Maître ? Que peut-on faire pour vous ? Voulez vous une pâtisserie ?

_ Oh oui !!! Se réjouit l’Héritier, S'il vous plaît !

Si le Duc et leur fille ont un appétit de moineau, lui a toujours de quoi grignoter… La vieille femme laisse échapper un rire, ses mains ridées récupèrent précieusement une petite brioche qu'elle vient lui apporter.

_ Qu'avez vous fait de beau cette fois ?

Sun a pris l'une de ses mains pour saisir la brioche et déjà, la mettre entre ses lèvres.

_ Hm ?! Ah cha ! Ch'est du café ! Vous chavez le préparer ?

_ Du… Café ? Non, je n'en ai jamais entendu parler…

_ Attendez ! Ch'vais chercher la recette !

Le jeune homme repart aussi vite qu'il est venu. La vieille femme se demande quelques secondes si l'héritier va se distraire et disparaître… Mais il revient.

_ J-je ne sais pas lire Seigneur…

_ Ne vous inquiétez pas ! Je vais lire pour vous ! Moi je n'ai pas le droit d'approcher des fourneaux… Ca sera un travail d'équipe, qu'est-ce que vous en dites ?

La vieille femme, amusée, pouffe tendrement.

_ Que c'est une très bonne idée. Mettons-nous à l'œuvre, mon Seigneur !

Sun a déjà dévoré sa brioche, et se retient d'en demander une autre ! Mais il confie sagement sa poudre à la vieille femme puis lui engage le pas tout en lui lisant les étapes de préparation. Après une dizaine de minutes, Sun se trouve face à une tasse fumante. Il renifle avec prudence le liquide noirâtre… L'aspect est peu engageant, malgré l'odeur qui se rapproche de la noisette…  Il souffle sur la surface, comme sa maman lui a appris, jusqu'à en boire une gorgée. Cette fois, pas de grimace sur ses lèvres. Décontenancé, il bat même des paupières.

_ Vous l'avez tellement bien fait !

La vieille femme, humblement, courbe l'échine.

_ Grâce à votre guidance, mon Seigneur !

_ On peut être fiers de nous. Vous voulez goûter ? C'est pas si mauvais ! On peut rajouter un peu de lait… Et tiens, un peu de miel pour sucrer ! On essaye ?!

La vieille femme rit et lui apporte tout ce qu'il demande… La tasse est alors goulument avalée avant que Sun ne lâche un soupir satisfait.

_ Ce n'est pas si mauvais au final… Je vais en faire goûter à Pao-Lin ! En plus, le café, ça produit une teinture vraiment particulière…

Songe-t-il en observant ses paumes ; bien qu'il se soit lavé les mains, des traces sombres persistent au sein des ridules qui traversent sa peau.

_ Peut-être que ça pourrait l'aider pour ses créations ? Qu'elle aimerait bien en boire ? Pense-t-il à voix haute, se levant d'un bond en fermant les poings, Je vais aller la voir ! Où est-ce qu'elle se trouve ?

_ Dans sa chambre, mon Seigneur.

_ Encore ?!

Surpris, Sun affiche une petite moue préoccupée. Elle et son père sont décidément bien casaniers. Comment font ils pour supporter d'être enfermés dans une petite pièce étroite toute la journée ? Le jeune homme s'apprête déjà à sortir, quand la voix de la vieille femme le retient.

_ Veuillez m'excuser mon Seigneur, vous voulez faire goûter à votre soeur mais j-j'ai crainte qu'il n'en reste plus…

_ J'ai tout bu ?!

Son étonnement n'est pas réellement partagé (l'héritier est connu pour toujours finir les assiettes de sa famille), bien qu'il provoque quelques réactions amusées… Sun grimace légèrement, gratte son crâne d'une main, cherche une solution, et au vu de son expression qui soudain, s'apaise d'un sourire, il l'a trouvée !

_ Je vais emmener Pao-Lin en acheter avec moi ! Elle pourra me dire ce qu'elle en pense et puis comme ça, on lui prendra des trucs si elle en a besoin ! Merci pour tout, Alva ! Pour le temps accordé et cette préparation délicieuse !

L'héritier disparaît, son lourd pas s'éloigne, alors que la vieille femme se souvient soudain du marc qu'elle a gardé… Elle l'apportera plus tard à Sun. Un Sun qui gravit les marches 4 par 4 pour rejoindre les chambrées. Lorsqu'il passe devant la chambre de ses parents, il fait l'effort de ralentir le pas, mais il s'accélère instinctivement à la vue de celles de ses adelphes.

_ Pao-Lin ! S'acclame-t-il joyeusement en ouvrant la porte, Tu es là ? AH OUI ! Il faut toquer d'abord ! Attends, attends…

Sun referme la porte et fait l'effort de toquer 2 coups assez forts, jusqu'à entrer.

_ Je te cherchais ! Je voulais aller au marché, est-ce que tu veux venir avec moi ?

C'est aussi pour elle, qu'il s'intéresse un peu plus aux plantes. Il sait que beaucoup d'entre elles servent aux cosmétiques, et peut-être qu'elle pourrait partager ses connaissances sur le café ? Bien qu'il aimerait un jour, la surprendre et lui faire découvrir quelque chose à son tour !

Puis il y a ce petit quelque chose qu'il doit lui offrir… Il l'a trouvée plus morose ces derniers mois. Inquiet, il a chevauché jusqu'à Walsch pour lui trouver de quoi lui redonner le sourire. Mais entre ses étourderies, leur Père parti à l'assemblée, les occasions manquées, il n'a pas pu encore le lui donner.

Le monde pourrait s’écrouler, que Sun tiendrait toujours debout.

A croire, que les disparitions soudaines de son oncle, de son grand-père, que la tentative d’assassinat sur son père, du kidnapping échoué de sa sœur, ne l’ont pas impacté, qu’il n’en garde aucune souvenance,  qu’il n’en tire aucune leçon. L’on ne pense pas une seconde, que ces évènements font aujourd’hui, sa force. Car il a conscience que le Duché, que sa famille, reposent sur ses épaules : et qu’il n’est pas prêt de courber l’échine.

C’est son devoir, ce sont ses responsabilités. Il doit être à la hauteur de sa réputation, il est le Pilier.

Et tout ce que son père a négligé, Sun s’en est occupé. De maman qui s’effondrait, quand Papa était alité. De ses adelphes, quand Papa n’avait pas de temps à leur accorder. De sa propre éducation, quand Papa n’avait pas le temps de le former. Ses valeurs, c’est auprès de sa mère et au fond de lui, qu’il les a trouvées, qu’il les a fondées, qu’il a fait d’elles, le sol stable sur lequel il appuie ses pieds.

La tempête a beau ébranlé leur navire, il est la proue qui fend les vagues. Il est sur lui, que se fixent bien des regards, car il représente l’avenir, car l’on se demande, le chemin qu’il prendra. Il est celui, qui fera toujours face aux dangers qui les menacent. Ses peurs, il les regarde droit dans les yeux, quand il ne se décide pas de les ignorer. Ses peines, il les enfonce loin dans sa tête, se distrait pour ne pas y penser, quant à la colère… La colère. C’est une émotion si rare.

Qu’il sait toujours, utiliser à bon escient.

La tentative d’enlèvement de sa sœur, a bien été l’une des seules fois où Sun l’a laissée le posséder.

Sa sœur. Comparée à lui, elle est si petite, si menue, si fragile. Si froide, en apparence, si cassante, dans ses mots. Malgré sa petite taille, elle sait prendre de haut, ceux qu’elle méprise – d’un regard si glacé, que Sun lui-même en a frémi. Elle parvient à l’intimider, quand elle perd patience, quand elle fronce les sourcils, lui courbe l’échine, porte les mains à son ventre, s’écarte en balbutiant. Face à elle, le Lion se soumet.

Trois jours sans voir sa sœur ont été très longs pour Sun. Plus d’une fois, Pao-Lin a peut-être entendu ses pas dans le couloir. Il a questionné les serviteurs, glissé sous sa porte, une petite enveloppe avec quelques pétales de fleurs et un mot écrit de sa plume soignée, un « Je pense à toi sœurette ». Pour signatures, un gros cœur et le dessin de chien ridicule qui l’amusait toujours, petite : un truc avec des yeux énormes, de grosses babines et la langue de sortie.

Maladroit, mais sincère, se veut présent, sans être envahissant, le juste milieu est toujours un équilibre précaire pour Sun.

Le salut de sa sœur le fait sourire, non, le fait même rayonner. Ses yeux bruns, brillant d’enthousiasme, il s’approche d’elle et d’un mouvement vif et pataud à la fois, retombe lourdement sur son séant. Pour être instinctivement à sa hauteur. A son ordre, sa main se saisit du pot fermé pour le remuer vigoureusement. Accoutumé à ces tâches, Sun ne s’y arrête pas vraiment, détaille sa sœur. Ses yeux s’attardent un instant sur ses cernes, quelques secondes, avant de revenir s’unir à ses pupilles.

_ Parce que j’ai envie d’être avec toi !

L’aveu franchit ses lèvres sans une once d’hésitation : comme le concombre jeté par Pao-Lin est saisi de sa main libre, pour le glisser entre ses lèvres. Que ce soit ou non du maquillage, l’héritier lui, n’y voit qu’un goûter improvisé, qu’un légume à manger.

_ Puis ça fait 3 jours que tu n’as pas vu le soleil…

Lâche-t-il d’une petite voix, dans une moue inquiète. Délicatement, il repose le pot qu’il a remué, croise les bras sur son torse épais. La voit appliquer le baume sur sa cicatrice. Son sourire s’efface légèrement. Si ça ne tenait qu’à lui, il lui dirait de ne pas s’en faire…

Mais elle va s’en faire. Elle est maîtresse de son propre corps. Elle décide, de ce qu’elle veut montrer, de ce qu’elle veut cacher, alors Sun s’efforce de ne rien dire. Il la regarde se maquiller avec attention, refermant ses mains sur ses chevilles, se balançant légèrement, un sourire revenant sur ses lèvres.

_ Oui !

Il se lève, s’étire dans un grognement. Le tissu de son vêtement grince, sous la pression des muscles épais et par réflexe, Sun retient son souffle, craignant de briser les boutons de son haut… Soulagé de voir que la tenue a survécu, il relâche ses bras et la rattrape en deux grandes enjambées.

Dans son dos, malgré leurs différences de carrure, son pas s’accorde de sorte à suivre celui de Pao-Lin, sans pour autant la bousculer. Sun affiche un sourire radieux, salue les serviteurs qu’ils croisent, les gardes, les avertit en quelques mots, accepte que deux d’entre eux les accompagnent.

Quand la main de sa sœur saisit sa manche, Sun cligne des paupières et tourne les prunelles vers lui.

_ D’accord. J’ai vu tes cernes.

Il ne sourit plus, l’espace d’un instant. La regarde simplement, lève une main pour doucement, entourer les épaules de sa sœur d’un bras protecteur.

_ … Est-ce que tu veux parler… de ce qui ne va pas ?

Il demande. Il est sérieux, et surtout, est prêt à lui offrir tout le temps dont elle a besoin. Tout l’espace… Dont elle a besoin.

_ Si tu ne veux pas… je ne veux pas te forcer, je veux juste que tu saches que je suis là pour toi, d’accord ? Ce que tu vis… ce que tu ressens, est important pour moi. Et si jamais, je ne peux rien y faire, eh bien au moins… Je serais là pour t’écouter, peut-être même, te changer les idées.

Il lui sourit, d’un air encourageant, et lui offre son bras pour qu’elle puisse s’y accrocher.

_ Où est-ce que tu voudrais aller ? Est-ce qu’il y a une boutique ou un étale que tu aimerais visiter en priorité ? Si on part pour un petit tour, autant que tu y trouves ton bonheur, moi, je pourrais toujours y aller plus tard !

Assure-t-il avec chaleur.

_ Tu ne crains rien. Tu es avec moi. Ca va aller.

Son autre main s’empare délicatement de celle de sa sœur pour tendrement la lui serrer.

_ Tu n'es pas seule. Je te protège. Je te protègerai toujours.

Toujours.  

Et pour un homme de valeurs, ces mots sont lourds de promesses.

Leur monde s’est déjà écroulé.

Et Sun l’a porté à bout de bras.

Quand leur père a été alité pendant ces longs mois, Sun allait régulièrement au chevet de sa mère. Il lui apportait du thé, à manger ; il essuyait ses larmes, prenait ses mains et l’encourageait. Il allait au chevet de ses soeurs et de son frère, leur apportant sa présence, son soutien, son sourire, leur proposant de jouer, pour se changer les idées. Leur offrant sa force, pour les rassurer. Combien de fois les a-t-il emmenés dans sa chambre, les a-t-il bordés dans son lit, pour dormir à leurs côtés ?

Car il était, l’Héritier.

Cette responsabilité a bien failli le faire ployer. Mais l’amour de sa mère, la naissance de sa fratrie, lui ont permis de résister. Les pieds bien campés au sol, les muscles contractés, les mâchoires serrées, un sourire sur les lèvres, défiant le Monde, d’éteindre sa lumière. Mais aucune ombre n’a su vaincre sa clarté solaire.

Sun, signifie soleil, mais aussi, cheminement. Bao, pour trésor.

Et entendre sa soeur, utiliser ce deuxième prénom lui fait toujours plaisir. C’est comme un message entre eux, un secret partagé, un signe de leur lien bien particulier.

Quand ils traversent le couloir, Sun ne prête pas réellement attention aux regards. Il a l’habitude qu’on tourne les yeux vers lui, ne serait-ce que pour s’écarter de son chemin. Maladroit, il arrive très régulièrement que Sun bouscule les serviteurs (de préférence, ceux qui ont quelque chose dans les mains), quand ce n’est pas les meubles qu’il manque de renverser… D’ailleurs, de nombreuses vases ou bibelots ont été retirés des buffets, par crainte que le Lion ne les fasse tomber sur son passage. Rien ne l’arrête.

Et pourtant, ses pas, s’immobilisent.

Une main le retient. Petite. Minuscule. Une étreinte, à peine perceptible. Et pourtant, suffisante.

Sun a tourné les yeux vers elle, clignant un court instant des paupières, il n’esquisse plus le moindre geste. Ses yeux bruns cherchent le regard de sa soeur. Le visage grave, il la dévisage avec attention. Sa remarque le fait rire et en réponse, il tapote son ventre dans une moue, puis lève le bras pour contracter son biceps et ses pectoraux.

_ Si je pouvais t'en donner, je le ferai, parce que moi, j'en ai marre de craquer mes chemises.

D'ailleurs, le geste suffit à ce que le tissu s'étire tant bien que mal pour contenir sa masse. Le visage éclairé d'un sourire malicieux, il rabaisse le bras et pose ses mains sur ses hanches dans un sourire, haussant fatalement les épaules. La tête penchée sur le côté, il reprend avec son entrain habituel.

_ Tu sais… C'est pas parce qu'on a certaines choses, qu'on ne manque pas d'autres. Tu as le droit d'être triste. Tu as le droit de ne pas aller bien. Tu as le droit, que les choses ne te conviennent pas, d'être déçue, frustrée, d'être agacée, d'être démoralisée… Ce qu'on a, ne te prive pas de tout ça. C'est un droit que tous les êtres vivants ont, et que rien ne peut leur retirer.

Il hausse les épaules.

_ Et si quelqu'un veut te l'interdire… Je lui en toucherai mot.

Ses bras se croisent sur son torse. Son vêtement s'étire sur ses épaules massives. Pour autant, aucune menace ne se dégage, ni au travers de ses mots, ni au travers de sa posture. Il s'interposerait, tout simplement, et aurait les arguments pour démonter tout avis contraire.

_ … Mais si c'est toi qui te l'interdis…

Il marque un silence.

_ J'aimerai bien qu'on en discute, si tu en as l'envie. J'aimerai comprendre pourquoi. Moi, en tous cas, je te l'autorise. Avec moi, tu as le droit… De ne pas aller bien. Tu as le droit aussi de ne pas vouloir en parler à ton grand-frère.

Il grimace et gratte l'arrière de son crâne.

_ Il y a beaucoup de choses que je ne connais pas, mais je ferai toujours mon mieux pour t'écouter et te comprendre. Tu sais… Des fois, moi aussi, ça ne va pas.

Il encourage, avec maladresse, et sa main rejoint son épaule pour y exercer une légère pression.

_ Ca ne change rien à ta valeurs. Tu es toujours Pao-Lin, ma précieuse petite soeur. Le joyau des Adda !

Il lui sourit avec toute son affection, la laissant s'accrocher à lui avec plaisir. Lui aussi, ça le rassure, de l'avoir à ses côtés. Il sait que personne ne viendrait arracher Pao-Lin, des griffes du Lion. Car il n'y a pas seulement le risque de se faire briser le crâne : c'est tout simplement une certitude.

Quand sa soeur se fige, Sun s'arrête à son tour. Patient, il reste à ses côtés, prend seulement sa petite main, dans la sienne. Calleuse, énorme, il suffirait qu'il force, pour lui briser, doigts et paume. Mais la force maîtrisée l'enveloppe. La protège. La foule s'est naturellement écartée. Face à l’Héritier, la foule se fend, l'on s'incline, bien qu'on salue avec le sourire l’Astre Solaire et l’Etoile qui l'accompagne. Leur père reste aimé du peuple, un amour qui est tout naturellement offert à sa progéniture. Tout du moins, Sun s'est toujours senti baigné de leur affection. Et veille à la leur rendre.

Il ne se voit pas, dirigeant, mais représentant.

Humble, serviable, il n'hésite point à offrir son aide aux passants. Le jour où Pao-Lin a failli être enlevée, il s'occupait d'ailleurs de remettre en place l'étale d'une marchande… Ses gestes, lui ont permis d'être connu et de forger sa propre réputation. Elle n'est pas toujours flatteuse. Le jeune homme est vu comme crédule, naïf et bien impulsif, comparé à son père, mais l'on apprécie son courage, son dévouement et sa puissance. Il faut dire que sa force équivaut bien à celle de deux ou trois personnes peu entraînées, plus encore si elles ne disposent pas de quoi se nourrir ou se soigner correctement.

_ Je ne te lâcherai pas.

Il assure, d'une voix ferme. Il attend qu'elle fasse un pas, puis, doucement, lui engage l'allure jusqu'à marcher à sa hauteur.

_ C'est bien, Pao-Lin.

Il souffle, caressant sa main de son pouce. Les sourcils froncés, fixés droit devant eux.

_ … C'est normal d'avoir peur. Mais cette peur ne doit pas t'empêcher de vivre. Ils ont failli t'enlever… Et je ne veux pas qu'ils continuent à te prendre tout ce qui te revient, tout ce qui est à toi. Qu'il s'agisse… De ta liberté. De ta sécurité. D'exister. Si ces peurs, sont trop dures à battre, je me battrai à tes côtés. Je t'aiderai à les affronter. Chaque pas que tu fais, c'est un coup que tu leur rends, c'est une revanche, une victoire.

Souffle-t-il à sa soeur, de sa voix grave.

_ Ils ont osé…. porter la main sur toi. Ils ont osé, te mettre en danger. Mais je les ai arrêtés, et je serais toujours là pour te protéger. Tu ne seras jamais seule. Mais ce qu'il y a de plus fort dans l'histoire, ce n'est pas moi. C'est ce que tu fais, tous les jours. C'est leur montrer, que tu avances. Qu'ils n'ont pas réussi à tout t'arracher. Je veux t'aider, à reprendre tout ce qu'ils ont failli te voler. Tu es forte, Pao-Lin. Et je suis fier, de sortir avec toi aujourd'hui. J'ai envie que ce jour, soit un bon souvenir pour toi. Une victoire, sur eux. Un pas en avant, pour que ce passé, cesse de t'enfermer.

Ses yeux reviennent sur elle.

_ J'ai confiance en toi. J'ai toujours crû en toi. Tu es une fille exceptionnelle, Pao-Lin. Tu es intelligente. Tu oses te lancer… Dans tellement de domaines ! Dans l'expérimentation, la création, dans l'écriture… Tu grandis. Et chaque jour qui passe, je te vois gagner en maturité. Tu es plus assurée dans tes gestes, quand tu te maquilles, quand tu choisis les teintes et les couleurs, quand tu poses tes idées sur papier. Ou même quand tu me demandes de l'aide ! Je suis content de pouvoir... Être là pour toi. On ne peut pas toujours tout réussir seul, savoir où sont ses limites, c'est une sacrée force en soi.

Il lui sourit tendrement.

_ Tu avances. A ton rythme. Même s'il y a encore… des choses qui font mal ou qui font peur, tu avances. Ces épreuves sont normales. C'est normal, de se sentir défaillir parfois, d'avoir peur, de ne pas savoir… quoi faire… C'est normal… Et on prendra le temps qu'il faut, les étapes nécessaires, pour les dépasser. Tu sais, je suis content qu'aujourd'hui, tu n'aies pas laissé la peur parler. Que tu arrives à… à marcher ici, avec moi. J'ai conscience que c'est un sacré effort. Mais ce soir, tu pourras être fiere de toi. Et en plus de ça, moi, je ferai tout pour que ce soit un bon moment !

Il se retient d'ébourriffer ses cheveux, retient son geste à temps, et préfère reprendre sa main dans la sienne.

_ Je voulais acheter du café ! On peut en profiter pour voir si quelque chose peut t'intéresser ? Peut-être des tisanes, ou des teintures pour tes cosmétiques ? Puis on pourra se prendre un goûter ! Qu'est-ce qui te ferait envie ?

Si leur père ou leur mère n'ont pas toujours du temps à accorder à leurs enfants, Sun, lui, est toujours présent pour sa fratrie.

Au rire de Pao-Lin, les lèvres de Sun s’éclairent d’un sourire radieux.

Et si elle se cache derrière sa manche, lui, éclate d’un rire sonore. Il a reposé ses mains sur ses hanches, haussant les épaules à sa remarque, sans se départir de son sourire fier, imbécile, heureux. L’avoir fait rire est déjà une victoire, une de plus, à celle de l’avoir fait sortir !

Mais lorsque la voix de sa sœur défaille, lorsqu’elle se recule, Sun cligne des paupières, s’arrête et lève les yeux vers elle. Son sourire s’efface. La petite main dans la sienne se fait soudain moite, d’un geste vif, elle tente de se dégager, Sun hésite, à l’enserrer : s’il le voulait, il n’aurait aucune difficulté à tout simplement la tenir, elle aurait beau résisté, d’une seule main, il pourrait la soulever. Mais Sun, n’a rien d’un tyran.

Si son père aime tout maîtriser, tout contrôler, Sun lui, a appris à lâcher prise : alors ses doigts relâchent ceux de sa sœur et il la laisse se détacher. Bien que la voir le fuir, lui fait mal au cœur. Ses mots se sont plantés dans une plaie qu’il a déjà eu l’occasion de percevoir. Et impassible, patient, il observe en silence, tout ce déferlement.

Il ne tremble pas, il ne se détache pas, il reste, là.

Toujours présent, pour elle, pour eux, prenant sur lui, tout ce qu’elle déverse. La peur, la fait presque crier, elle ploie, sous un poids qu’il porte sans vraiment le réaliser, il laisse la place, l’espace, à ce qu’elle exprime, à ce qu’elle a besoin de dire, sans contester, sans s’agacer, sans s’effondrer.

Solidement campé sur ses pieds, ses yeux ne lâchant pas les prunelles de Pao-Lin, il a simplement croisé les mains dans son dos. Respirant profondément, calmement, pour chasser la pression qui vient appuyer sur sa popre cage thoracique.

_ Je sais. Mais c’est important pour moi de le dire.

Sun hausse les épaules et dévie songeusement le regard pour observer la rue. L’on passe, sans vraiment s’arrêter : car Pao-Lin est dos au mur de la ruelle, et Sun, naturellement, fait rempart entre elle et la foule. L’on s’écarte naturellement, en courbant l’échine.
Sun ne redoute pas les regards. Ne craint pas les rumeurs. A dire vrai, il ne s’y intéresse pas.

_ … Je sais qu’être heureuse, dépend en grande partie de toi, plus que de moi.

Concède-t-il en relâchant la tension de ses épaules.

_ Je me sens impuissant, parfois. J’ai conscience, qu’il y a des choses qu’il ne faut pas dire, qu’il ne faut pas faire, que ce n’est pas le bon moment… Et je veux bien faire les choses. Mais je ne veux pas avoir de regrets.

Pas après, ce qui est arrivé à leur Père. Car il sait, que la vie peut s’arrêter à tout moment. Ses yeux reviennent s’unir à ceux de sa sœur.

_ … J’ai le droit de dire ça. Je le pense sincèrement, Pao-Lin.

Répond-t-il doucement. Sun est tout simplement incapable de mentir.

_ Je ne veux pas te brusquer… Je n’aime pas… Je n’aime pas te bouleverser comme ça… Mais je ne veux pas non plus te laisser, avec toutes ces choses qui te pèsent. Je suis désolé, d’être maladroit, de ne pas faire les choses comme il faut ou de ne pas trouver les mots.

Il s’approche d’un pas et effleure tendrement son épaule.

_ Mais je ne suis pas désolé de faire de mon mieux pour être là pour toi. Tu comptes pour moi, Pao-Lin. Et je veux t’aider. Je serais toujours là pour toi. Et si je peux m’améliorer, n’hésite pas à m’en parler.

Il penche la tête sur le côté, laissant sa longue chevelure basculer le long de son épaule tout en la dévisageant.

_ Tu crois… Que pour être fort et fier, il faut seulement être grand et avoir des muscles ?

Il demande en réponse, d’une manière peut-être ingénue. Ses bras épais se croisent sur son torse et il secoue négativement la tête.

_ Je ne suis pas d’accord. Tu peux être fière car tu arrives à créer tes propres cosmétiques. Tu as mené tes propres recherches, tu as mené tes expériences, tu as fait preuve d’initiative, de patience, de recherche, tu as pris des risques.

Il rouvre les yeux pour la fixer droit dans les yeux.

_ Tu explores, des terres qui ont été négligées jusqu’à présent, et creuses un tout premier chemin. Sans laisser les obstacles te freiner. Tu es une femme capable d’analyser un problème, te poser pour y trouver des solutions, les essayer. Tu es capable de créer, d’imaginer, de tenter… Et tu as aujourd’hui, une page du journal de Père, lui, le maniaque du contrôle, c’est bien qu’il a confiance en tes capacités.

Sérieux, il reprend après un silence.

_ Tu aides les autres, à se sentir mieux dans leur peau. A les mettre en valeurs et à cacher ce qu’ils croient être des défauts. Tu apportes de l’espoir, à beaucoup de personnes qui ne se sentent pas belles, qui ont besoin d’un coup de main pour s’accepter, se tolérer voire s’apprécier. Tu as l’esprit fin, tu sais faire preuve d’humour, de malice… Et combien même, tu n’es pas grande, tu n’es pas épaisse comme moi, tu es beaucoup plus agile, plus légère, plus discrète. Ta façon de te battre est très différente de la mienne, elle n’en reste pas moins redoutable.

Il dépose prudemment une main sur son épaule, la caresse du bout du pouce.

_ Nous sommes différents. Et c'est ce qui fait qu'on se complète. Je ne laisserai personne te marcher dessus, t’attraper, et si quelqu’un ose lever la main sur toi, je le fracasse.

Il affirme avec gravité.

_ Toi, tu m’aides à ramasser ce que j’ai fait tomber sous les meubles, tu as les mains assez fines, pour défaire les nœuds de mes lacets, tu peux grimper sur les branches des arbres sans les casser, même grimper sur ton bureau pour prendre de la hauteur. A cache-cache, je ne t’ai jamais trouvée. Tu as tes propres forces : c’est à toi de les voir. Et tu ne vois peut-être pas de raisons d’être fière de toi, mais moi, je les vois. Qu’est-ce qui pourrait t’aider à prendre confiance en toi ?

Il baisse songeusement les yeux, perdu dans ses pensées, avant d’observer les étalages avec une curiosité ravivée.

_ Du chocolat ?... Oh, viens ! Je sais où t’emmener !

Sun retrouve son grand sourire. Attrapant la main de sa sœur cette fois, il l’emmène avec lui jusqu’à un étale et se charge de leur acheter deux « nuages », avant d’en offrir fièrement un à sa sœur.

Entre ses mains, une boule recouverte de copeaux de chocolat noir. Quand Pao-Lin l’approche de ses lèvres, la croûte en chocolat se fend, et libère en son cœur, un cœur léger, crémeux, aéré, à la vanille… par-dessus un fond plus solide, en chocolat plus épais. Gourmand, Sun a déjà dévoré la moitié d’une seule bouchée, et se lèche les babines, essuyant ses lèvres du dos de sa main libre.

_ Miam ! Moi, j’aime les goûters ! Ca donne du courage pour la fin de journée !

Qu’il affirme, en finissant d’engloutir son dessert pour s’en lécher encore les doigts.

Des excuses.

Sun reste un instant surpris ; il faut dire qu'elles ne sont pas courantes, dans leur famille. Ses bras se croisent sur son torse. Un sourire adoucit ses traits, une tendresse qui gagne ses yeux bruns alors qu'il hausse ses larges épaules.

_ Je les accepte, même s'il n'y a pas de mal à excuser.

Il en faut beaucoup, pour blesser Sun.

Beaucoup.

Pao-Lin ne l'a probablement jamais vu s'effondrer, oh, Sun a pu pleurer mais il suffisait d'une étreinte pour qu'il s'apaise. Ses colères sont si rares, que sa propre soeur ne les a aperçues qu'à deux reprises : contre ceux qui l'avaient enlevée, et contre un cousin qu'ils ne voient plus depuis. L'on s'amuse de sa nature si placide, ses tendances impulsives qui, aux yeux de bien des politiques, représentent une faiblesse à exploiter : en oubliant le célèbre proverbe, qu'il faut se méfier de l'eau qui dort.

Leur mère elle-même ne prend pas le risque de mentir à Sun. Elle lui dévoile toutes les vérités qu'il demande, ou détourne son attention des sujets qu'elle veut lui dissimuler : car aux yeux de l’Héritier, la confiance brisée ne peut pas être réparée. Il l'accorde facilement, un cadeau dotn il faut savoir prendre soin, si l'on ne veut pas la perdre définitivement.

Il secoue négatiivement la tête à la question de Pao-Lin et, en réponse, glisse une main dans ses cheveux. Son pouce caresse son front.

_ Pourquoi ? Parce que tu sais trop bien le faire.

Il la relâche dans un sourire attristé puis détourne les yeux.

_ Et ce n'est pas dans mes manières de faire. Ce n'est pas ce que je veux être. Des reproches, à mes yeux, ça blesse celui qui les reçoit, ça casse un peu de lui, et ça n'apporte rien à celui qui les fait…

Un soupir lui échappe. .

_ J'ai eu trop de reproches de la part des précepteurs. Sun, tu n'écoutes pas assez, concentre toi, arrête de bouger… Ca ne m'a jamais rien apporté. Mais…!

Sun lève un index vers le ciel.

_ Les encouragements de Maman, ça ! Ca m'a toujours aidé ! A prendre confiance en moi. A avoir envie de corriger mes erreurs. A voir ça comme un jeu, un défi, plutôt qu'une menace ou une contrainte.

Il rabaisse sa main et la pose sur sa hanche.

_ Tu te punis très bien toute seule. Tu vois quoi corriger. Je n'ai rien à y dire, à part que je suis de tout coeur avec toi et que je t'aime comme tu es. Avec tes qualités, tes défauts, tes erreurs, tes victoires… Tu es ma soeur.

Qu'il répond d'une voix grave, grondante d'une tendresse toute fraternelle. A moins que ce ne soit aussi la satisfaction de voir la nourriture apparaître devant leurs yeux. Sa pâtisserie engloutie en un clin d'oeil, voilà qu'il observe attentivement la réaction de sa soeur. Ce ne serait pas la première fois qu'il mange ce dont elle ne veut pas. Il a d'ailleurs tendance à finir toutes les assiettes de la famille.

_ Ca s'appelle un Nuage !

Répond Sun fièrement, bien qu'avec une poine de naïveté qui fait rire la vendeuse. La femme offre un sourire à Pao-Lin et s'incline légèrement.

_ C'est une confection de ma famille… Nous préparons un biscuit au chocolat, le recouvrons d'une crème au chocolat noir, puis d'une couche de guimauve et enfin, de copeaux de chocolat. Nous en faisons aussi au chocolat au lait, au chocolat blanc et recouvert de caramel…

_ J'ai tout goûté ! Et c'est tout bon !

Appuie Sun dans un grand sourire.

_ Voudriez vous en ramener au Duc et à la Duchesse ?

_ Oh oui ça leur ferait plaisir !

La tenancière prépare alors une boite, dans laquelle elle dépose deux autres nuages au chocolat noir, avant de les tendre à Sun.
_ Combien je vous dois ?

_ Rien du tout c'est un cadeau de la maison !

_ J'insiste !

Sun paye gracieusement une belle poignée de pièces, puis reprend la main de sa soeur de la sienne.

_ Allez, c'est parti pour la suite de nos aventures ! Tu voulais des plantes, c'est ça ? Et moi, du café !

Il se retourne.

_ Bonne journée madame, merci pour les Nuages !

_ Bonne journée Seigneurs !

Elle les salue de la main.

Alors qu'ils marchent ensemble, Sun songe à voix haute, sans vraiment s'en rendre compte.

_ Du café et du chocolat… A essayer. Ca pourrait calmer l'aigreur et puis, ça apporterait un peu de gourmand, d'épaisseur, hm, il faudrait que je vois ça…

Puis son regard s'éveille face aux étales surmontés de plantes suspendues, grimpantes, en pot, séchées, un peu de toutes les sortes qu'il prend le temps d'observer, impressionné. Un des stands d'ailleurs, est tenu par un couple de Nuhoko, des marchands itinérants. Ses prunelles reviennent sur sa soeur, qu'il relâche en lui offrant un sourire entendu.

_ Je te laisse gérer. Tu t'y connais mieux que moi. Mais je te suis sagement !