Le temps passe parfois si vite, d'autres fois bien moins. Rapidement, lorsque Kaede est présente, que les deux amies de toujours discutent de tout et de rien, profitant d'un moment de quiétude. Lentement, lorsque son amie part en voyage, quittant le doux foyer qu'est l'Empire. Oh, qu'elle est inquiète l'Impératrice, à mesure que les jours défilent. Elle se ronge les ongles, ne trouve pas le sommeil et ne cesse de regarder par la fenêtre, dans l'attente de voir sa silhouette revenir. De peur de la voir, passer la porte, les pieds devant.

Eun-Ji n'a aucun droit de la retenir à ses côtés. Elle n'a pas le droit de l'enfermer sous prétexte qu'ainsi, elle sera en sécurité. Cependant, elle a constamment peur pour sa vie. Parce que Choo est partie et n'est jamais revenue. Cet événement l'a profondément marqué au point qu'elle craigne de le revivre. L'Empire est une terre où aucun meurtre ne se produit. C'est ce qu'elle aimerait croire mais sa rencontre avec le peuple lui a prouvé que même cette vérité immuable n'était qu'une pensée infondée. En réalité, nombre de personnes perdent la vie, que ce soit ici ou ailleurs.

L'inquiétude dans ses beaux yeux ambrés se fait ressentir, quand à chaque fois que Kaede part, Eun-Ji l'accompagne.


Souffle-t-elle comme une prière. Et toujours, Kaede revient.

Comme aujourd'hui.

Eun-Ji s'est préparée. D'un maquillage léger, de rose pâle et d'un rouge à lèvres délicat. Ses cheveux sont coiffés comme toujours, une broche violette relève quelques mèches d'un chignon simple. Ses vêtements portent cette couleur qui signifie la paix, la féminité mais surtout l'amitié. Peut-être est-elle la seule à le savoir et c'est mieux ainsi. Elle chérit en silence et discrètement leur belle amitié qui perdure malgré les années et les obstacles que l'une et l'autre ont traversé. Des pertes qui les ont changé à jamais.

Les gardes lui annoncent la venue de Kaede, ils disent qu'elle arrive, qu'elle va bien, que Eun-Ji doit patienter dans le salon où elle a pour habitude de la recevoir. Celui-ci n'est pas dans les jardins, il est dans l'aile près de sa chambre, aborde des couleurs de rouge et de rose, de magenta et de pourpre. Un salon qui accueille les femmes, intime et secret où elles peuvent parler de tout et de rien. Elle se tient droite, assise sur un coussin, le menton levé. Telle une statue entretenue, sans le moindre défaut. Elle attend sagement bien qu'elle meurt d'envie de se lever d'un bond pour courir vers la porte. Elle attend jusqu'à voir la silhouette de Kaede. A ce moment, Eun-Ji se redresse, s'approche d'elle. Ses mains effleurent son visage, retracent sa silhouette. Elle s'assure que la belle n'est pas blessée et accueille son présent avec humilité.


L'Impératrice s'adresse aux gardes, d'une voix douce mais autoritaire.


C'est une routine. A chaque fois qu'elle revient, Kaede a le droit à un bilan de santé entier pour être sûre que tout va bien. Une fois qu'elles sont seules, Eun-Ji vient la prendre dans ses bras, d'une étreinte légère et éphémère qui montre à quel point elle est heureuse de la revoir.


Elle s'éloigne, le linge entre les mains et les hommes qu'elle a demandé, entrent après s'être annoncés. Ils s'avancent vers son amie pour vérifier son état, les mages lancent leur sort par précaution et attendent que le médecin ne donne son diagnostic. Rien de grave à signaler si ce n'est une fatigue évidente que Eun-Ji remarque sans grande peine. Elle les remercie pour leur travail et ils les laissent à deux pour profiter de leurs retrouvailles. Délicatement, elle l'emmène vers la table basse où repose du thé aux roses et des coussins duveteux sur lesquels s'asseoir.