Nous allons avoir de la visite demain. Nous comptons sur vous les garçons pour bien les accueillir.

C'était ce qu'avait dis le Duc des Helvar devant ses enfants, en pleins repas. Âgé d'onze ans, Adam levait ses yeux de son repas pour jeter un regard empli de curiosité à son père. Sa mère jugeait bon de préciser que le couple originaire des Terres de Babel serait accompagné de leur fille. Le jeune garçon se demandait bien qu'elle était la raison de leur venue et pourquoi ils se sentaient obligés de venir avec leur progéniture outre l'excuse de lui faire découvrir de nouvelles choses. C'était la tête emplie de multiples questions que le rouquin, c'était endormi cette nuit-là.
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Pour l'occasion, la duchesse avait absolument insisté pour que les enfants portent des vêtements tout de blancs immaculés avec des bordures d'or. Une tenue qu'ils avaient pour habitude de garder pour les grandes réceptions mondaines. Des couleurs qui convenaient parfaitement au jeune garçon à la peau caramel et son frère. Pour autant, ainsi vêtu, Adam se sentait comme emprisonné dans un carcan de lin. Le col de sa veste lui serrait bien trop la gorge à son goût qui de ses doigts, essayait de tirer légèrement dessus afin de le détendre. Un geste qui ne passait pas inaperçu par la matriarche. Ni un ni deux, elle n'hésitait pas à le sermonner et à lui dire de prendre exemple sur Piers. Une comparaison qui venait accélérer son rythme cardiaque par une colère naissante. Sur son visage, rien ne laissait transparaître cette mauvaise humeur. Et de toute manière, l'arrivée de la famille Amiris venait à point nommé, empêchant au jeune garçon de onze ans de faire une bourde.
Le couple et les deux enfants venaient donc à la rencontre de ceux des Terres de Babel. Déjà Adam n'écoutait plus le discours de son paternel à l'encontre du duc et de la duchesse de la nation libre. Son regard noisette analysait sans aucune émotion transparente, les convives. Mais c'était surtout sur la fille Amiris, que son attention se posait. Elle devait être plus jeune que les jumeaux à première vue, néanmoins à sa manière de se présenter, elle paraissait bien plus mature. À leur tour, Piers et Adam se présentaient au trio. Aussitôt les formalités passées que les adultes abandonnaient leurs enfants pour régler des histoires inaccessibles aux plus jeunes. Le plus grand des jumeaux n'avait d'ailleurs pas tardé à se carapater en lâchant à son frère l'entraînement à l'arc.

Il ne restait donc plus que Freyja et le rouquin. Cette demoiselle la rendait quelque peu nerveux pour un détail qu'il n'aurait pas su dire. Quelques secondes, plus tard elle prenait la parole, énonçant une vérité. Oui, lui aussi avait été laissé... Elle devait penser en s'excusant que cela devait le déranger de lui tenir compagnie. Mais outre le fait qu'il ne sentait pas totalement à l'aise, il n'avait rien de prévu aujourd'hui. Et en aucun cas, il trouverait cela normal de la laisser ainsi dans un endroit qui lui est inconnu.

Certainement pas mademoiselle Freyja. Que diriez-vous d'aller trouver refuge dans la serre qui se trouve non loin ?

Son petit coin préféré quand il avait besoin de se ressourcer. Là-bas, on pouvait trouver diverses plantes et fleurs provenant des quatre coins du Royaume du Pharaon. Une table et des chaises y avaient été installées, afin de pouvoir y prendre le thé ou simplement se poser tranquillement pendant des heures. Il faisait quelques pas en direction de la serre, s'éloignant de la gamine. Le rouquin avait pensé qu'elle le suivrait et pourtant, la petite Amiris n'avait pas bougé d'un pouce. Alors, il était aussitôt revenu auprès d'elle, la questionnant.

Vous ne souhaitez pas venir ? Vous savez, on pourra manger des biscuits là-bas et profiter de la beauté du lieu.

Il ne comprenait pas ou, peut-être avait-il omis un détail important.

Il ne s'attendait pas à ce qu'elle sursaute de la sorte en se rapprochant d'elle. Mais lorsque Freyja évoqua sa mauvaise vue, il finissait par comprendre. Le garçon si énergétique dans un premier temps, se calmait net, ses bras tombant mollement le long de son corps. Peut-être s'agissait-il là de la pire des réactions à avoir envers cette demoiselle. Mais elle s'avérait être la plus spontanée. Durant quelques secondes - pouvant paraître interminable - le calme régnait. D'une voix emplis de bonté, Adam daignait enfin lui répondre.

Vous pouvez attraper ma main si vous le souhaitez ou bien, un pan de mon vêtement.

Il jugeait cette proposition comme étant la plus sécurisée. Le garçon n'avait aucune envie de voir cette jeune noble tomber devant lui, même si cela avait certainement dû arriver plus d'une fois. Sa malvoyance le peinait sincèrement, mais faisait aussi naître en lui une multitude de questions. Était-elle née ainsi ou suite à un accident ? Cela ne devait pas être facile dans la vie de tous les jours alors déjà, il respectait cette fille pour se tenir debout avec toute sa noblesse.

Lorsqu'il était bien certain qu'elle arriverait à le suivre, il se mettait en route. Un pas, puis un deuxième. Avec un rythme lent, il contournait la demeure des Helvar afin de se rendre dans la serre tant appréciée du garçon. Il venait la guider lorsqu'un obstacle se présentait à eux. Un cactus l'obligeant à changer légèrement de direction ou tout simplement le sable omniprésent, car il pouvait ne pas être facile de se déplacer dans ce désert. Il ne s'arrêtait que lorsqu'ils se trouvaient devant cette porte en verre. Après l'avoir ouvert, il invitait avec précaution, Freyja à s'avancer davantage.

À l'intérieur de la petite pépinière, la chaleur venait de grimper de quelques degrés. Le jeune homme espérait que cela n'affecte pas la santé de son invité et gardait donc un œil attentif sur son comportement. Fort heureusement, il pouvait compter sur le fait que le fief se trouvant à la frontière des Terres de Babel - là où le climat se voulait un peu plus clément - pour que les températures soient légèrement plus basses qu'au cœur du Royaume du Pharaon.

Nous y voilà. Souhaitez-vous vous assoir à la table ou faire un petit tour du lieu ?

Oui, il était excité de pouvoir lui montrer son petit cocon. Il y avait de quoi s'émerveiller avec toutes ses fleurs provenant des quatre coins de la nation aride et celle libre. Pour beaucoup, elles abordaient une couleur jaune semblable à celle du sable. Mais pour certaines, elles pouvaient être de teinte violette ou encore, rouge. Chacune de ses fleurs venait embaumer la serre sans que cela ne soit désagréable. Odeur légère, relaxante. Le duc et la duchesse Helvar possédaient même une petite source d'eau, ressource inestimable dans leur pays. Et c'était d'ailleurs ce point qui pouvait être utilisé pour les alimenter convenablement. Un petit paradis pour ceux qui savent profiter de la nature.

Le sourire d'Adam s'étirait au fur et à mesure des minutes qui passait. Lui qui avait pensé finir sa journée seule, il était vraiment content de pouvoir rencontrer ce bourgeon.

Le voyage n'a pas été trop difficile et trop pour vous et vos parents ?

Une politesse parmi tant d'autres de venir s'enquérir du trajet fait par la famille. Mais en même temps, du fief des Amiris jusqu'à celui des Helvar, il était question de plusieurs semaines. Autrement dit, ils avaient passé bien trop de jours et de nuits dans cette carriole au goût du mage d'eau. Ajouté à cela de multiples pauses essentielles... N'était-ce pas inconscient de la part de la famille d'avoir embarqué une fille de sept ans dans cette histoire ? N'aurait-elle pas été mieux dans sa demeure ? Enfin, cela ne devait pas être une question qu'il devait poser, sauf pour paraître désobligeant. Et puis malgré son handicap cela permettait à Freyja de voir du pays.

En réagissant de la sorte, il l'avait bien évidemment blessé. Le petit rossignol ne montrait rien, son visage se paraît d'un sourire angélique. Alors bien qu'il se doutât de son ressenti, chercher à clarifier la situation n'aurait que l'effet opposé à ce qui était voulu. Laissant délibérément le choix à Freyja, c'est sa main qu'elle choisissait d'attraper et aussitôt sa peau rentrant en contact avec la sienne, les joues d'Adam se teintait de rouge.

Ne me remerciait pas Freyja.

Sa voix était sincère et chaleureuse. Pourquoi le remercier pour quelque chose de tout à fait normal ? Là où chez elle, la demoiselle aurait été très certainement plus à l'aise pour se mouvoir, ici tout lui était inconnu. Refermant ses doigts sur sa main, il s'était mis en route. Heureusement pour eux, personne n'était là pour les observer. Car malgré le fait qu'ils n'étaient encore que des gamins, les rumeurs pouvaient aller bon train. De par ses domestiques, ses amis ou encore même sa propre famille.

Il faisait de son mieux pour que le trajet jusqu'à la serre se fasse sans encore et c'était lorsqu'ils passèrent la porte de celle-ci, que le rouquin se permettait de se détendre de nouveau. Le soupir poussait par la babelienne suscitait son inquiétude l'espace de quelques secondes avant de balayer cet état d'esprit face à son excitation. Elle ne cessait de tourner sa tête de droite à gauche, lui montrait que malgré son handicap, il lui était possible de faire appel à ses autres sens. Ne pouvant retenir un rire jovial, il faisait alors quelques pas afin de se rapprocher d'un parterre de fleurs, la main de Freyja toujours dans la sienne.

Vous avez vu juste ! Juste à nos pieds, nous avons ce que l'on nomme des saules du désert. Des arbustes dont les fleurs sont d'un rose fushia absolument magnifique. Ils se mélangent dans cette serre avec d'autres bourgeons allant du bleu, du blanc ou encore du jaune.

On sentait tout son amour pour cet endroit lorsqu'Adam en parlait. Il lui laissait le temps de s'imaginer la scène avec ses mots et les odeurs que les fleurs dégageaient. Puis, venait alors la question sur le voyage. Une interrogation à laquelle Freyja se permettait de le rassurer, pour aussitôt parler du sable, chose qu'elle ne semblait pas connaître.

Vous n'avez pas de sable dans les Terres de Babel ?

Question enfantine pour quelqu'un n'ayant connu que cela depuis sa naissance. Sa mère ne lui avait-elle pas contée qu'autrefois Babel et Pharaon ne faisait qu'un ?

Oh, vous savez, nous avons l'habitude et nous pouvons nous protéger du sable en nouant autour de nos têtes un voile que l'on nomme un chèche... Pardon, excusez-moi si je pars trop dans les explications. Mais oui, cela est vrai. Le sable peut-être assez dangereux si on le sous-estime. Voulez-vous tenter l'expérience de vous mettre pied nue ?

Évidemment, cela ne serait que pour quelques minutes à peine. Cela l'embêterait qu'elle se brûle sans le vouloir et il lui faudrait rendre des comptes à ses parents.

Il était sincèrement amusé et heureux lorsqu'il l'écoutait parler aux fleurs, encore de simple bourgeons pour la plupart. Dès sa rencontre, quelques minutes plus tôt, Adam savait déjà très bien que cette fille était d'une douceur infinie. Cela n'était pas totalement dû à sa façon de se mouvoir comme le font les plus grandes nobles. Non, c'était bien plus profond. Du moins, le jeune garçon ne pouvait pas penser autrement, mais il aurait été bien bête de devoir expliquer son ressenti à autrui. Car de sa bouche, aucun mot cohérent ne pourrait sortir autre que "c'est simplement elle".

Le moment de tendresse qu'il éprouvait se transformait alors en gêne l'instant d'après. Idiot qu'il était de poser sa question innocemment sans réfléchir aux conséquences. Cette réponse qu'elle fournissait et qui le ramenait droit à la réalité. Si Freyja cherchait tout simplement de réfléchir sincèrement et sans arrière-pensée sur ce sujet, le fils Helvar ne pouvait que sentir ses joues se colorer de honte. Lui qui contrairement à elle pouvait voir par ses propres yeux la beauté de se monde - de ces atrocités.

❝ Eh ? Marcher à pieds nus...? Mais... Mes pieds ne vont pas brûler ? Le sable chauffe très fort au soleil n'est-ce pas ? J… Je préfère éviter…!

Sa voix cristalline défaillante faisait battre son cœur un peu plus vite de façon indescriptible. Est-ce que rester en sa compagnie allait être ainsi à chaque fois ? À ce que ses émotions se succèdent à les unes à la suite des autres sans pouvoir les maîtriser ? Crédule qu'il était, il se permettait de lui répondre d'une voix qui se voulait rassurante.

Oh, vous n'êtes pas obligée de marcher dans le sable. Je peux comprendre que cela fasse peur au début, mais rassurez-vous, vos pieds ne vont pas brûler comme ça si vous ne restez que quelques minutes ainsi.

Faisant mine de réfléchir, Adam se baissait afin de récupérer au creux de ses mains ce sable chaud. Sentir les grains s'écouler inéluctablement lui faisait toujours penser au temps qui passait. Un brin nostalgique, il proposait alors à Freyja de tendre les siennes.

Nous pouvons faire autrement si vous préférez.

Plaçaient tout juste au-dessus des siennes, le rouquin laissait le sable couler petit à petit, gardant un œil curieux sur la fille Amiris. Ce n'était peut-être pas aussi impressionnant que sa première idée, mais pour une personne non familière à cet endroit, cela pouvait être une grande expérience.

Il s'agit d'une étrange sensation n'est-ce pas ?