Le voyageur est celui qui se donne le temps de la rencontre et de l'échange
feat Léon Lodowic

Les familles Seland et Murphy faisaient de bonnes affaires ensembles depuis de très nombreuses années. Parfois, le Duc en personne se rendait dans le fief de Murphy, dans l'empire Nuhoko, pour mener à bien quelques transactions. Ce n'était pas une pratique courante, mais ce n'était pas non plus exceptionnel. Le Duc jugeait que c'était nécessaire à de bonnes relations d'affaires et, franchement, la balade jusqu'à l'Empire lui plaisait bien, venait briser sa routine et lui permettait de repousser la paperasse.

Et c'est ainsi, tout bonnement, après avoir terminé la partie affaires de son voyage, que le duc se rendit dans une taverne quelconque, dont le nom n'avait pas d'importance. Dans ce lieu, il n'était pas duc. Ici, il n'était qu'un homme parmi d'autres. Un homme bien costaud, imposant, rude et autoritaire, mais un simple homme qui souhaitait profiter d'un bon moment avant de reprendre la route le lendemain : essentiellement alcool, musique et discussion mouvementée. Et peut-être bien un bras de fer!

Chez lui, dans son fief, il aimait se mêler à la populace parfois. Dans le fief de Seland, il n'était pas rare de l'apercevoir, se baladant simplement dans les rues, sur son destrier, sa hache à la ceinture. On le respectait, on l'aimait, on le craignait et on le détestait... il inspirait tant de sentiments contradictoires.

Il commençait à se faire tard, le soleil était couché depuis un moment. Il y avait de l'ambiance dans la taverne, et Athelbert lui-même participait à l'atmosphère des lieux, de sa voix profonde et de son rire puissant. Il racontait une histoire aux trois personnes assis à sa table ; il racontait l'histoire d'une attaque de vilains sur sa personne, et comment il les avait affronté seul, les réduisant en morceaux, sans pitié, avec sa fougue, sa hargne et une hache. Il détailla chaque coups donnés et chaque coups reçus, jusqu'à ce que l'un des hommes à sa table n'ait le malheur de dire : "Contre vingt hommes? PFFF. Ouais, et les arbres, tu les abats à mains nues aussi???" Ce qui fit rire les deux autres à la table. Quand on lui avait posé la question, précédemment, Athelbert avait dit qu'il était bucheron, ce qui n'était pas totalement vrai, mais pas faux.

C'était une insulte. Que cet homme ose remettre en doute ses paroles­. Que ce paysan OSE se moquer du grand Athelbert. Bien sûr, l'idiot ignorait à qui il parlait ; mais les vêtements de grandes qualités d'Athelbert, dans le style vestimentaire du nord, aurait au moins dû refroidir l'homme.

D'un mouvement vif, Athelbert se releva et déposa bruyamment sa hache sur la table. Sa chaise se renversa au sol dans un bruit sourd. Il adopta une posture menaçante.

─ Tu me traites de menteur et d'incapable?, gronda-t-il. ─ Tu veux que je te montres comment je manie ma hache?, menaça-t-il. Plusieurs têtes se tournèrent vers eux et plusieurs conversations se turent. Clairement, Athelbert était prêt à se battre. L'homme à qui il s'adressait avait la gorge noué par la crainte, les deux autres n'osaient pas parler davantage. La tension était palpable.

Et pourtant, il en faudrait bien peu pour désamorcer la situation.