Les Chroniques d'Elysia

Un plan pour deux

Sun Bao Adda X Obeline Serra

Obeline se trouve entourée de parchemins, chaque rouleau étalé sur la table comme autant de promesses en attente. Mais celui-ci, celui qui retient son attention, éveille en elle une curiosité insatiable. Ses doigts agiles parcourent le papier, tandis que ses pensées dansent en cherchant l'inspiration.

Des projets, elle en a des centaines, des petits, des moyens, des grands, des spécifiques, des étranges, des pratiques, mais celui-ci, celui-ci est différent. C'est comme un puzzle dont une pièce manquerait, une énigme qui résiste à la logique la plus affûtée. Les contours de l'idée sont là, dessinés avec soin sur le parchemin, mais quelque chose échappe à sa compréhension, un détail infime, un souffle de mystère qui refuse de se révéler.

Elle se penche au-dessus du palimpseste, comme si la réponse pouvait surgir des lignes tracées avec une encre sombre. Ses yeux scrutent chaque mot, chaque schéma, chaque espace vacant, en quête de cette petite étincelle qui fera toute la différence.

❝ Je suis certaine que ça va venir... ❞ murmure-t-elle entre ses dents, une lueur d'optimisme mêlée à une pointe de frustration dans sa voix.

Le silence de la pièce est rompu par le doux froissement du parchemin sous ses doigts et le bruissement de ses pensées qui tournent en boucle. Pourtant, dans cette tranquillité, le désir ardent de trouver la solution pulse dans toute sa poitrine.

Elle sait que cette quête pourrait la garder éveillée jusqu'au petit matin, mais elle ne reculera pas devant le défi. Car pour Obeline, chaque détail, aussi infime soit-il, a son importance. Chaque projet est une énigme à résoudre, un morceau du puzzle à placer avec précision dans le grand tableau de son imagination débordante. Et tant que ce détail manquera, elle ne connaîtra pas le repos.

Aux côtés d'Obeline, une imposante et magnifique figure d'ébène attend patiemment qu'elle émerge de ses pensées tumultueuses pour intervenir. Ce géant connaît bien la demoiselle, comprenant que l'interrompre pourrait la froisser ou même la plonger davantage dans ses réflexions profondes. Elle a cette manie de se renfrogner, mais même s'il venait à la couper dans son élan, elle ne pourrait lui en vouloir tant cette relation lui est précieuse. Pour rien au monde elle ne voudrait la compromettre. La jeune femme apprécie énormément sa présence et le respecte non seulement pour son titre, mais surtout pour sa personnalité rayonnante et sa gentillesse inébranlable. Cet homme a fait d'elle son bras droit dans certains projets, et elle se sent extrêmement honorée par la confiance qu'il lui accorde.

Sun a appris tant de choses.

Lire, écrire, se battre à la hache, rédiger des courriers officiels, s’intéresser aux prix des ressources, aux richesses de chaque duché, aux alliances, à l’histoire, la géographie, à monter à cheval, à préparer des tartes aux pommes.

Mais s’il y a bien une chose que les années de travail et d’effort n’ont pas su lui enseigner, c’est la patience et la discrétion.

Il sait qu’elle est concentrée. Qu’il ne doit pas la déranger. Que comme Papa, elle a besoin de moment seule, où réfléchir, sans être perturbée par des bruits ou une présence parasites. Mais ce n’est pas souvent qu’ils se voient ! Il a déjà fait plusieurs fois le tour de la pièce, est allé se défouler dehors (courir, faire quelques pompes, discuter avec des badauds), avant de revenir à ses côtés. Mais voilà, qu’il commence à trépigner.

L’énergie chatouille ses pieds, elle remonte dans ses veines, comme une myriade de petites fourmis dont les morsures empoisonnées, injectent dans ses veines, ce poison dont il ne sait pas comment se débarrasser. Il essaye de basculer tout son poids sur un pied, puis l’autre. Ca monte, dans sa cage thoracique. Une pression, qui écrase son torse, qui le pousse à inspirer, profondément. Emplir ses poumons d’air – jusqu’à cligner des paupières et porter les mains à son nez.

Trop tard. L’éternuement qui ébranle sa large et puissante carcasse fait sursauter probablement toutes les personnes présentes, et les meubles avec. Et ce n’est que le début de la tempête. Un autre manque de lui faire perdre l’équilibre, Sun recule d’un pas, son dos heurte une bibliothèque. Dans un grincement lugubre, la voilà qui penche vers l’arrière…

Sun écarquille les yeux, se retourne pour l’empoigner. D’un élan un peu brusque, il la ramène vers l’avant – trop, en avant. Tous les parchemins sur les étagères, se renversent dans un brouhaha de papier, sur lui, presque sur elle, mais sa masse suffit à protéger la demoiselle. Pas ses parchemins : les anciens, se mêlent aux plus anciens encore, dans un fatras, tout finit au sol.

_ Oups…

Grimace Sun.

Campant ses pieds fermement sur le plancher, le jeune héritier fronce les sourcils. Ses mains tiennent plus fermement le meuble. Les muscles épais, sous le vêtement un peu serré, roulent, d’une pression ferme, plus maîtrisée, Sun vérifie à correctement replacer la bibliothèque avant de soupirer.

Ses mains se reposent sur ses hanches avant qu’il ne s’ébroue comme un chien, soulevant tout un nuage de poussières qui lui fait froncer franchement le nez.

_ … Bah moi aussi c’est venu, mais c’était pas prévu…

Qu’il glisse, penaud, frottant son nez du dos de ses doigts. Un sourire amusé lui échappe, avant qu’il ne se penche pour ramasser les parchemins, qu’il range dans ses bras épais.

_ Désolé Obeline ! Euhh… Je ne sais plus lesquels étaient les tiens parmi le tas…

Qu’il grimace.

Le jeune héritier Adda, ne tient décidément pas de la discrétion de ses parents.

Le plancher grince sous son pas lourd, les meubles s’écartent sur le passage de ses épaules massives. Un torse développé, des bras aussi larges que ses cuisses et des cuisses aussi épaisses que des troncs, des mâchoires carrées, des bonnes joues, un grand nez droit légèrement courbé, des yeux d’un brun fauve, un sourire, rayonnant. Ses cheveux, sont une crinière, brune, épaisse, indisciplinée malgré ses tentatives de les attacher.

Et à cela s’ajoute l’enthousiasme et les capacités attentionnelles d’un jeune chiot…

Les parchemins tous glissés dans ses bras, il en prend un pour le tourner entre ses doigts, avant de le poser sur le bureau de la jeune femme dans un sourire curieux.

_ Sur quoi tu es en train de travailler ? Tu as besoin d’un coup de main ? Je crois que tout ça, ça commence à me sortir par le nez…

Un rire bref lui échappe, puis un peu honteux, se disant probablement qu’il ne devrait pas rire de la crise cardiaque qu’il leur a infligés, il grimace et préfère replacer les parchemins restants sur les étagères.

_ Et si on allait faire un tour dehors ? Manger un petit quelque chose ! Ca nous aiderait à réfléchir ! Qu’est-ce que tu en penses ?

Qu’il propose en se retournant légèrement vers elle, la bousculant par pure maladresse cette fois. Dans les espaces étroits où ils travaillent, il n’est pas rare qu’il la percute et manque de l’envoyer voler contre les murs, bien que son bras la rattrape toujours avant qu’elle ne se fasse mal… Malheureusement, elle n’est pas la première à être ballottée par le Patou pataud qui lui sert d’ami.

_ Je t’offre ce que tu veux ! On a besoin de prendre des forces !

Qu’il assure d’un sourire rayonnant.

Un plan pour deux

Sun Bao Adda X Obeline Serra

Dans la quiétude de la pièce, Obeline est absorbée par les lignes tracées sur le parchemin, mais même dans ce cocon de concentration, le tumulte brusque de son ami vient rompre le silence. Elle l'observe avec un mélange d'amusement alors qu'il trépigne autour d'elle, incapable de contenir son énergie bouillonnante. Ses pas lourds résonnent dans la pièce, comme des éclats de tonnerre dans un ciel calme, perturbant l'harmonie fragile de ses pensées. Elle sait que c'est un exercice difficile pour le jeune homme, mais la patience est une vertu qu'il devrait pouvoir acquérir en tant qu'héritier, du moins elle l'espère pour lui.

Un éternuement éclate, secouant l'atmosphère, et bientôt, un désastre se déroule sous ses yeux. ❝ ATTEN... ❞ Les parchemins, précieux et soigneusement disposés, sont envoyés en désordre dans les airs, comme des feuilles emportées par le vent capricieux. ❝ ...tion... ❞ Sun, avec toute sa maladresse, s'empresse de ramasser les documents éparpillés, ses gestes un mélange de gêne et de détermination. Dans un instant de tension mêlé de soulagement, Obeline réalise que malgré le bref tumulte, aucun dommage irréparable n'a été infligé grâce à l'intervention prompte de Sun. Cependant, le sentiment de gratitude qui émerge de cette prise de conscience est immédiatement assombri par la constatation de l'état des plans. Les documents, autrefois soigneusement organisés et prêts à être utilisés, gisent désormais en un amas confus parmi les autres parchemins.

Obeline se redresse, le regard empreint d'une douce indulgence mêlée à une pointe de résignation face à l'inévitable tempête qu'est son ami. Elle laisse échapper un léger soupir, mais son sourire ne faiblit pas devant cette scène. ❝ Tu n'as rien ? ❞ S'inquiète-t-elle. ❝ Ne t'en fais pas. Nous allons simplement trier les documents un par un jusqu'à ce que nous retrouvions ceux que je cherchais. ❞ répond-elle avec une voix calme et apaisante.

Elle observe le désarroi teinté d'amusement sur le visage de l'héritier, et se met au travail aux côtés de Sun, triant les parchemins avec soin et méthode. Ses mains replacent les parchemins sur le bureau, chacun retrouvant sa place avec une précision presque artistique. Chaque document est examiné attentivement, chaque détail scruté pour s'assurer qu'aucun plan ne soit perdu dans la confusion. Malgré l'agitation initiale, une atmosphère de calme et de détermination se répand dans la pièce alors qu'ils s'attaquent ensemble à la tâche.

❝ Sur quoi je travaille ? ❞ répète-t-elle, avant de se mettre à rire. ❝ Tu m'as parlé de ton idée de poulailler, je voulais juste y mettre mon grain de maïs ! Et, vois-tu, j'ai une idée, mais j'ai des difficultés à savoir comment l'intégrer pour qu'elle soit parfaite. ❞

Elle esquisse un sourire reconnaissant lorsque Sun propose une escapade à l'extérieur, une pause bienvenue dans leur laborieux travail. Malgré ses maladresses, il a toujours su apporter une touche de légèreté à leurs journées chargées. ❝ Un tour en extérieur semble être une excellente proposition ❞ acquiesce-t-elle, se levant de sa chaise. ❝ Et je suis sûre que l'air frais nous aidera à démêler ce mystère. Que penses tu d'aller manger des baklavas ? ❞

Elle se laisse entraîner par son ami, se sentant en toute confiance. Dans ce duo improbable, elle trouve un équilibre parfait entre sa concentration acharnée et la jovialité de Sun, chaque interaction étant une aventure en soi. Les voilà dehors, les rayons chauds du soleil caressent leur peau, dissolvant les dernières traces de tension qui subsistent de l'incident précédent.

❝ J'aimerais placer un système de nourrissage automatique à tes gallinacés. Ainsi qu'un système d'eau renouvelé et ce à plusieurs heures de la journée. Ce qui m'embête, c'est que ces volatiles risquent de monter sur le toit de leur abri et de décalibrer mon dispositif. Je dois donc trouver comment contourner ce problème. ❞ Elle lui offre un sourire éblouissant, illuminant son visage d'une aura de joie contagieuse. Par la même occasion, elle respire profondément, absorbant chaque particule d'air avec une avidité dévorante et tandis qu'elle savoure pleinement cette bouffée d'air pur, une vision apparaît devant ses yeux émerveillés. Comme un mirage dans le désert, elle voit surgir la pâtisserie la plus exquise de la ville, une oasis gourmande en plein cœur de cette capitale.

Les délices sucrés s'étalent devant elle tels des trésors dévoilés, des éclats de couleurs et de saveurs qui éveillent tous ses sens. Les gâteaux scintillent comme des joyaux dans la lumière du jour, leurs arômes enivrants emplissant l'air d'une douce tentation. ❝ J'ai envie de tout goûter... Et toi ? Tu as déjà une idée de ce que tu vas commander ? Quelque chose te ferait plaisir ? ❞

L’inquiétude de son amie le surprend. L’émeut.

Les bras plein de parchemins, un sourire radieux éclaire son visage, il fait un pas vers elle comme pour l’enlacer, mais gêné par tout ce qu’il a à porter, se contente de secouer négativement la tête.

_ Il en faut beaucoup pour me blesser !

Qu’il assure, non sans fierté, gonflant même un peu le torse pour appuyer ses propos. Elle le sait, probablement. Enfant déjà, il était vanté pour sa vigueur et son endurance, pour son énergie et sa résistance. S’il est tombé malade, rien ne fut suffisamment grave pour qu’on veille à le dissimuler – ou, au contraire, à en parler. Obeline n’a probablement jamais vu de blessures, sur le corps de son ami, exceptée une fine cicatrice sur son épaule massive.

Le calme et la rigueur d’Obeline parviennent à discipliner l’impatience de Sun : attentif, il la regarde faire, puis après quelques secondes, s’applique à suivre son modèle. Se mettre en mouvement, s’investir dans cette action, lui procurent une douce satisfaction. Un sourire éclaire ses lèvres, probablement soulagé de voir les documents progressivement classés. Sun n’est pas toujours attentif aux plus petits détails, aussi Obeline doit parfois le surveiller, mais l’héritier s’efforce de s’appliquer.

A la mention du poulailler, Sun relève vivement la tête. Ses poules sont ses protégées. Il a aujourd’hui une petite dizaine de volatiles sous son aile : c’est à la seule force de ses bras, et avec un plan donné par Obeline, qu’il leur a construit leur abris !

_ Des baklavas ?! J’adore ça ! Allons-y ! Tu connais une bonne adresse ?

Sun est gourmand. Sa musculature, bien que dessinée, est tendrement enrobée, comme sa taille épaisse et son petit ventre. Il a de l’appétit et, par chance, mange de tout. Tant et si bien que son serviteur doit toujours veiller à ce qu’il ne mange pas tout ce qui traîne…

Une fois dehors, Sun accélère le pas, saute par-dessus les quelques marches d’escalier, se reçoit sur ses pieds. Ses bras se lèvent vers le ciel, il s’étire de toute sa hauteur. Les boutons de sa chemise sont prêts à s’arracher, lorsqu’il emplit ses poumons d’air. Ses yeux levés vers le ciel, ses poings s’ouvrent, ses doigts saisissent les nuages.

Une bourrasque l’enlace.

Sa crinière s’ébouriffe, ses joues rougissent. Ses yeux brillent. Ces plaisirs, simples, de la vie, le réjouissent. Le soleil caresse sa peau, se reflète au fond de ses pupilles brunes, leur offrant quelques reflets fauves. Ses mains finissent par se rabaisser, jusqu’à se reposer sur ses hanches. Ses yeux reviennent chercher ceux d’Obeline. Et, amusé de voir sa chevelure bouffie par le vent, il glisse une main pataude mais tendre le long de sa tête, dégageant un peu ses yeux de quelques mèches plus farouches.

_ Il y a du vent aujourd’hui, ne t’envole pas ! Tu veux te tenir à mon bras ?

Qu’il propose. Sun est toujours d’une affection tactile, parfois un peu envahissante. La douceur d’un cœur, rendue maladroite par un corps qui a grandi, grossi, trop vite, d’une corpulence bien supérieure à celle des autres, d’une puissance qu’il n’a pas encore appris à réellement utiliser, d’une force que ses émotions ne font que décupler. Combien de fois, dans un élan de bonheur, il a pu soulever Obeline et la faire tournoyer ? Manquer de la mettre à terre en la bousculant, tout ça car il se précipitait vers elle ? Failli lui écraser les pieds, tout ça car il voulait marcher à ses côtés ?

_ Tu crois… ? J’aimerai continuer à nourrir mes poules à la main…

Reconnaît Sun dans une petite moue gênée, grattant sa joue en cherchant du regard la boulangerie.

_ Ca leur fait un contact avec moi… Grâce à ça, elles viennent me voir ! Et ça me fait plaisir de les chouchouter… Mais l’eau renouvelable, c’est une super idée ! Je veux la meilleure qualité pour elles, elles le méritent !

Qu’il assure en levant un poing dans un geste déterminé.

_ Est-ce qu’il faudrait entourer le dispositif d’un grillage ? Le glisser sous une boîte ? Faire un abri ?

Qu’il interroge en marchant à ses côtés.

Et à la vue de la vitrine, Sun s’arrête.

Il reste coi. De longues secondes. Ses yeux parcourent les étales. Les pâtisseries à la surface beurrée, dorée, les viennoiseries, aux couleurs variées, se reflètent au travers de ses prunelles. D’ici, ils perçoivent le parfum du pain et des brioches chaudes. Sa bouche entrouverte, laisse s’échapper un filet de bave qu’il ravale puis essuie du revers de la manche, jusqu’à se pencher, s’accroupir, coller son nez et ses mains à la vitre. Pour voir tous les détails, tout ce qui a pu lui échapper.

_ JE VEUX TOUT PRENDRE !

Qu’il s’écrie sans même le réaliser. Il se relève d’un bond, manque de se cogner contre le panneau suspendu et entre déjà dans la boulangerie – pour percuter cette fois, une pauvre femme qui manque de s’effondrer.

_ Pardon, pardon !

Sun l’a rattrapée par les épaules, l’a replacée sur ses jambes dans un sourire contris et se place docilement derrière elle. Déjà, il se retourne vers Obeline.

_ Qu’est-ce que tu vas prendre toi ?!

Qu’il demande. Les mains jointes contre son ventre, Sun sautille sur place – sauf que sa bonne centaine de kilos ébranle les murs et fait grincer le plancher. Sun se reprend, mais dandine d’un pied sur l’autre, les yeux brillant comme des étoiles, il est si contemplatif… Que lorsqu’on leur demande ce qu’ils veulent, Sun reste sans voix. Battant des paupières, il entrouvre les lèvres, laisse Obeline prendre la parole, puis s’exclame.

_ Un de chaque s’il vous plaît ! Prends ce que tu veux, Obeline, je te l’offre !

Pour tout goûter, pour qu’Obeline puisse en profiter, et s’il y en a trop, il amènera le reste à sa mère et ses adelphes !

_ Je suis tellement content !

Qu’il glousse, se saisissant ensuite des boîtes qui leur sont données pour sortir dehors.

_ Où est-ce qu’on s’installe ? A l’ombre ? On pourra partager !

Un plan pour deux

Sun Bao Adda X Obeline Serra

Obeline rit doucement en entendant Sun exprimer son enthousiasme pour les baklavas. Son estomac se met à gronder légèrement à cette évocation, lui rappelant qu'elle aussi apprécie ces délices sucrés. Elle se souvient alors d'une petite pâtisserie cachée dans une rue pittoresque non loin de là, réputée pour ses pâtisseries exquises. ❝ Oh oui, j'ai une adresse parfaite en tête ! ❞ répond-elle avec un sourire complice. ❝ C'est une petite boutique nichée dans une rue charmante, où les baklavas sont tout simplement divins. Tu vas adorer ! ❞ Elle sent son estomac se contracter d'anticipation, l'envie de déguster ces délices sucrés. Sans plus attendre, elle se met en marche aux côtés de Sun, le guidant vers cette oasis sucrée dans la ville animée.

Obeline sent le vent caresser son visage, s'amusant de la comparaison de Sun avec un possible envol. Sa proposition de se tenir à son bras lui arrache un sourire chaleureux, reconnaissant la tendresse maladroite qui se cache derrière ses gestes. ❝ Merci, Sun. C'est gentil de veiller sur moi comme ça. ❞ répond-elle avec une douceur évidente dans sa voix. Elle attrape doucement le bras offert par son ami, sentant la chaleur réconfortante de son contact. Malgré sa stature imposante, elle se sent en sécurité à ses côtés, appréciant le sentiment de proximité et de camaraderie qui les lie. Depuis combien de temps n'avaient-ils pas marché ensemble de cette façon, partageant des moments simples mais précieux au gré de leurs déambulations dans la ville ? ❝ Avec toi, je ne risque pas de m'envoler trop loin. ❞ plaisante-t-elle, taquinant gentiment son ami.

Obeline écoute attentivement et sourit en écoutant Sun exprimer son attachement pour ses poules. Son cœur se réchauffe en entendant la passion dans sa voix et en voyant l'affection dans ses yeux. Elle sent l'admiration grandir en elle pour la manière dont Sun prend soin de ses protégées, leur offrant non seulement de la nourriture, mais aussi de l'amour et de l'attention. Elle souhaite prendre le temps de lui répondre, afin de ne pas le brusquer et de lui donner du chagrin inutile, mais les voilà arriver devant la pâtisserie où Sun se fige avant de se lancer sur la vitrine.

Obeline observe avec amusement les réactions enthousiastes de Sun face à la perspective de déguster toutes les pâtisseries de la boulangerie. Son sourire s'agrandit devant son énergie contagieuse et son empressement. Il manque de bousculer une personne avant de la remettre droite sur ses pieds et de passer vers le comptoir. Elle manque d'exploser de rire, mais réussit à hocher la tête avec un petit pouffement en entendant son ami s'exclamer qu'il veut tout prendre, puis elle lui adresse un regard complice. ❝ Je suis partante pour partager ! Merci ♥ ❞ répond-elle, enchantée par cette proposition généreuse.

Ensemble, ils se dirigent vers un coin ombragé à proximité, où ils peuvent s'asseoir et profiter de leur festin sucré. Leurs rires résonnent dans l'air tandis qu'ils déballent les délicieuses pâtisseries, chaque bouchée étant une explosion de saveurs dans leur palais. ❝ Tu veux partager le moelleux sucré à l'orange et au miel ? ❞

Obeline savoure chaque moment de cette pause bien méritée, appréciant la compagnie chaleureuse de Sun et la douceur des pâtisseries qui fondent dans sa bouche. Elle se sent parfaitement à sa place, entourée de son ami et de ces délices, comme si rien d'autre ne comptait dans le monde à cet instant précis. Entre deux bouchées, elle partage avec Sun ses réflexions sur le projet de poulailler : ❝ Je reviens sur cette histoire de poulailler... C'est admirable de voir à quel point tu tiens à elles. C'est vrai que le contact humain peut être très bénéfique pour les animaux, surtout lorsqu'il est empreint de tant d'amour et de soin, mon Chow-chow, et c'est vraiment génial de voir comme tu les aimes tes gallinacés, mais d'ici quelques années, tu devras prendre une place prépondérante dans les décisions politiques de Babel... Tu auras moins de temps... Vois ça comme un "au-cas-où", tu veux bien ? Et puis, si tu dois partir en voyage, tu sais qu'elles n'auront pas de faim ! Si tu veux, je passerai même les nourrir de temps en temps pour qu'elle ne perde pas le contact avec l'humain. ❞ Elle a peur de le rappeler à l'ordre et de l'attrister à l'idée de ne plus avoir assez de temps à leur consacrer. Le sujet lui semble délicat à aborder, mais elle souhaite sincèrement lui construire un avenir serein, au moins à un certain niveau.

Après avoir savouré les dernières miettes de leurs mets, Obeline et Sun se lèvent de leur petit coin de paradis ombragé, rassasiés et revigorés par cette pause bienvenue. Le soleil, maintenant plus bas dans le ciel, projette des teintes dorées sur les rues animées de la ville, créant une ambiance chaleureuse et paisible. Obeline lance un regard complice à Sun, un sourire radieux illuminant son visage. ❝ C'était délicieux, merci pour cette escapade gourmande ! ❞ dit-elle, exprimant sa gratitude envers son ami.

Alors qu'ils déambulent dans les rues animées de la ville, Obeline laisse son esprit vagabonder, repensant à leur projet de poulailler et aux défis passionnants qui les attendent. Elle sent l'excitation monter en elle à l'idée de relever ces défis avec Sun à ses côtés, sachant qu'ils peuvent compter l'un sur l'autre. Soudain, une idée lui vient à l'esprit : ❝ Et si nous profitions de cette belle journée pour faire quelques recherches supplémentaires sur notre projet de poulailler ? Il y a peut-être un vieil éleveur de volailles dans le quartier qui pourrait nous donner des conseils avisés sur l'élevage de poules ? Qu'en penses-tu ? ❞

Qu’est-ce qu’il n’adore pas ?

Sun est une âme qui se réjouit de tout : du soleil qui se lève, d’une bourrasque qui le décoiffe, de voir des rues remplies de monde, d’entendre de la musique, de sauter à pieds joints dans une flaque, de courir dans la nature… Il est heureux de tout ce qu’on lui propose, à condition qu’il puisse bouger de temps en temps pour se défouler. Il a conscience de ses nombreuses chances et sait s’en montrer reconnaissant.

Rien n’est acquis, alors, il profite pleinement de tout ce qu’on lui donne. Sans se demander, quand est-ce que cela sera terminé, si on va le lui enlever, sans chercher à s’interroger, il ne veut rien en laisser. Tout manger jusqu’à la dernière miette, courir jusqu’à s’en sentir épuisé, rire jusqu’à s’en essouffler.

Il la couve du regard lorsqu’elle s’accroche à son bras et répond d’un haussement d’épaules, humble et touché par ses mots.

_ C’est normal…

Il pose une main sur la sienne.

_ De veiller sur ceux auxquels on tient.

Il assure d’un sourire. Charmeur, sans le savoir, à ses yeux, il se considère seulement protecteur. Si la Déesse lui a donné une telle masse et de telles responsabilités, ce n’est pas pour en abuser : mais pour offrir sa force, à ceux qui ne l’ont pas, offrir sa protection, à ceux qui en ont besoin, il est, le Pilier, le Lion Adda.

Il éclate de rire à la remarque malicieuse d’Obeline et passe une main dans sa chevelure dans une moue gênée.

_ Dire que Svea voulait me faire voler sur son Wyvern… Pauvre bête, je vais lui écraser le dos !

Pour monture, Sun a d’ailleurs choisi un cheval de trait. Bien que les palefreniers aient affirmé qu’un étalon était capable de porter plus d’une centaine de kilos, Sun ne se sent pas très confiant face à la silhouette fine et élégante de ces chevaux… Il se sent bien plus à l’aise sur une bête aussi solide que lui, aux lourds sabots, capable de déraciner des arbres ! Oui, ça, ça semble davantage lui correspondre. Le sien était une bête d’une puissance incontestable, un frison au pelage gris qu’il prend plaisir à brosser. L’animal est joueur, gourmand, parfois fainéant – lorsqu’il décide de s’assoir, Sun n’a pas encore réussi une seule fois à le faire se redresser.
Un sacré caractère, qui s’allie bien à sa nature de cavalier.

Obeline ne l’a probablement jamais vu énervé ou s’impatienter. Sun n’est pas du genre à râler, son regard ne s’assombrit jamais ; combien même peut-il par instant se voiler, il suffit d’un battement de paupières pour que le soleil revienne.

Et là, il rayonne !

Entouré de gâteaux et de son amie, Sun ne peut pas être de meilleure humeur. Il a déjà croqué dans l’un d’eux, une tarte au citron qui a écrasé sur ses lèvres une moustache de crème qu’il lèche avec gourmandise. L’aigreur du citron mord dans ses papilles, le fait grimacer de délice, car bientôt, la crème épaisse et sucrée vient l’apaiser. Pourléchant ses babines, il ne prend pas la politesse de répondre à Obeline : dans une impulsion gourmande, il croque pleinement dans le moelleux.

Surface caramélisée, craque sous la pression de ses dents, libère un moelleux presque humide, d’un parfum relevé mais adouci, saveurs acidulées apaisées par la profondeur d’un miel printanier, Sun ferme les yeux pour savourer, voit sous ses yeux, des arbres aux fleurs blanches, un champ de fleurs, entend les abeilles bourdonner. L’extase lui arrache un lourd soupir satisfait.

_ Qu’est-ce que c’est bon !

Il s’en lèche d’ailleurs encore les doigts pour n’en laisser aucune miette. Il en oublie un peu l’étiquette : il redevient un instant, ce bambin qui s’en met un peu de partout et qui pourtant, n’en laisse rien, récupérant chaque morceau avec application. Du bout des doigts ou de sa langue.

Lorsqu’Obeline reprend le sujet du poulailler, Sun lève les yeux vers elle. Ses mots si doux le font sourire, touché, il baisse légèrement la tête, se tortille un peu, rougit franchement au surnom. Jusqu’à ce qu’elle mentionne sa nouvelle place. Sun cligne des paupières, et progressivement, son expression change.

Son sourire s’efface. Ses sourcils se froncent. Ses pupilles se détournent. Un silence. Le jeune homme semble plongé dans ses réflexions. Ca ne l’empêche pas de croquer une nouvelle fois dans sa tarte, puis prendre une dernière bouchée puis se frotter les mains.

_... J’aimerai qu’on continue de s’occuper d’elles. Si tu veux t’en charger, je t’en serais reconnaissant. Ou je demanderai à ma mère, elle aime les poules… Ou des serviteurs… Mais ça me semble important qu’on prenne soin d’elles.

Reprend-t-il, reposant ses coudes sur ses cuisses.

_ Puis à un moment, je ne vois pas en quoi être Duc, c’est inconcevable avec l’idée de s’occuper des gens qu’on aime.

Qu’il tranche. Ses sourcils se sont froncés. Sa voix est ferme.

_ Un Duc s’occupe de son Duché : il passe ses journées à veiller sur son peuple, et c’est ce que je compte faire. Et mon peuple, ce ne sont pas juste des Nobles, ce sont aussi les Roturiers, mes poules, ma famille. Je veux faire en sorte, de n’oublier aucun d’entre eux.

Il penche légèrement la tête sur le côté.

_ Est-ce qu’il faut… déléguer ? Est-ce qu’il faut seulement, gérer son temps différemment ? J’imagine qu’on le gère selon ses priorités. Et il est vrai, que les poules ne seront peut-être pas les premières auxquelles je devrais penser : mais je pourrais toujours trouver quelques minutes pour les voir. Mon père passe bien des heures dans son bureau… !

Qu’il laisse soudain échapper. Un éclat de voix, sans joie, sans colère, comme une exclamation soudaine, une réalisation, la réalité qui vient le frapper de plein fouet et le laisser un instant sidéré.

Des heures dans son bureau. Qu’est-ce qu’il y fait ? La paperasse, les courriers, c’est ce qui prend autant de temps ? Clairement, Sun ne va pas s’en encombrer, il confiera ça à quelqu’un d’autre, lui, il veut garder du temps pour les autres, pour des choses qu’il considère plus importantes, sa famille par exemple.

Il baisse songeusement les prunelles et lâche un soupir, avant de reprendre cette fois un chou à la crème dont il prend le temps d’enlever le chapeau. Sans grande délicatesse, il met le reste dans sa bouche, les joues comme un hamster, il mâchonne longuement avant de cligner des paupières.

_ Oh ! Oui ! Cha cherait une bonne idée !

Il ravale sa bouchée et retrouve un sourire radieux.

_ On pourrait lui demander quelles graines il faut leur mettre… Et si d’autres utilisent des trucs pour les nourrir ! Et qu’est-ce qu’ils font quand ils ne peuvent pas les nourrir ! On a toujours à apprendre ! Tu en connais ici ?

Il ne se dit pas un instant, que ça pourrait être étrange de voir deux jeunes gens plutôt bien vêtus, aller alpaguer de pauvres erres pour les questionner sur leurs poulets…

Les Chroniques d'Elysia

Izar de l'An 1

Les scénarios

[Privé] Un plan pour deux [Sun Bao Adda]